De plus en plus nombreux à frapper aux portes des agences d’intérim, les retraités sont appréciés des employeurs. Cette femme de 70 ans est intérimaire chez un promoteur immobilier quatre à six mois par an depuis environ cinq ans et profite de sa retraite à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) le reste de l’année. Cet homme retraité se rend tous les lundis matin dans son ancienne entreprise de pétrochimie pour assurer l’accueil des nouveaux employés et leur apprendre les règles de sécurité qu’il connaît bien. Tous deux viennent gonfler les rangs de ceux qui optent pour l’intérim une fois à la retraite.
« Depuis dix ans, on constate une progression du nombre de retraités qui candidatent pour des missions d’intérim, relève Raphaël Linossier, le président de l’agence d’intérim J4S, et cette tendance s’est renforcée ces cinq dernières années avec, tous les ans, 1 % de retraités supplémentaires. » Même son de cloche chez le leader de l’intérim, Adecco : « Alors que je ne recevais aucun retraité quelques années plus tôt, note la directrice de l’agence de Senlis (Oise), Corinne Gourdeau, ils représentent aujourd’hui 5 % de mon effectif d’intérimaires. »
Enquêteur, collecteur de fonds humanitaires ou assistant d’un promoteur immobilier, le retraité intérimaire a plusieurs casquettes. « La majorité de ceux qui candidatent chez J4S travaillent en centre d’appel pour des missions de trois à cinq heures par jour », explique Raphaël Linossier.
Dans l’agence d’Adecco, les retraités, aussi bien femmes qu’hommes, deviennent quant à eux cuisinier, essayeur automobile ou encore client mystère pour des enseignes de la grande distribution. Chez un autre géant de l’intérim, Randstad, un ancien directeur d’agence aujourd’hui manager de centre expert, Laurent Duverger, observe, pour sa part, que « 80 % des candidats retraités reviennent chez leur ancien employeur, en temps partiel ou pour des missions épisodiques. »
« Un complément de 800 à 1 000 euros net par mois »
Recruter des retraités a sa part d’avantages. « Mes clients étaient sceptiques au départ, raconte Mme Gourdeau, mais leur regard a progressivement changé, et ils sont aujourd’hui très satisfaits des intérimaires retraités. » « Ce sont souvent des personnes ponctuelles et souples, car elles n’ont plus de contraintes familiales », poursuit-elle. « Il y a peu d’absentéisme chez ces candidats qui sont très motivés dans leur travail », relève Laurent Duverger. Et Raphaël Linossier d’ajouter : « Avoir des retraités dans une équipe permet d’apporter de la sérénité car, n’ayant plus de carrière à faire, ils n’instaurent pas de concurrence. Grâce à leur expérience, ils savent prendre du recul par rapport à une situation et les jeunes peuvent leur demander conseil. »
Comme tout candidat, certains ne donnent cependant pas satisfaction. « D’anciens cadres ont parfois du mal à se conformer aux directives de leur superviseur », constate M. Linossier. En revanche, pour des tâches particulières, les retraités sont les seuls à disposer de connaissances que les jeunes n’acquièrent plus. M. Duverger donne l’exemple de la réparation de pièces sur des machines datant des années 1970.
Les motivations des retraités sont multiples. D’ordre financier d’abord. Contraints de composer avec de faibles retraites, nombre d’entre eux ont besoin de travailler. Ils bénéficient de l’assouplissement du cumul emploi-retraite depuis 2009, même si les règles sont devenues plus restrictives depuis le 1er janvier 2015. « Le complément de revenu s’établit entre 800 et 1 000 euros net par mois », estime Raphaël Linossier.
Augmenter ses revenus permet de maintenir un certain niveau de vie. « Les gens arrivent en retraite à 65 ans en pleine forme, ils ont envie de consommer, de voyager, remarque M. Linossier, certains sont veufs ou divorcés et aspirent à séduire de nouveau, ce qui engendre des dépenses en coiffeur, en restaurants. » C’est le cas de ces retraités qui remplissent des missions d’enquête-sondage pendant quatre à six mois, puis partent en croisière.
Passion
Travailler reste aussi une source de lien social. Surtout, pour le président de J4S, à une époque où « les modes de vie sont de plus en plus individualisés et où les retraités ont de la peine à voir du monde ». « Beaucoup de candidats effectuent des missions d’intérim en attendant que leur conjoint atteigne l’âge de la retraite », constate par ailleurs Corinne Gourdeau.
Enfin, la passion est souvent le moteur de ceux qui retravaillent chez leur ancien employeur. Dans l’agence Randstad de Saint-Etienne, « de nombreux retraités s’occupent de l’apprentissage ou de la gestion de projet dans l’optique de transmettre leurs compétences », signale Laurent Duverger. « Les retraités d’aujourd’hui sont des baby-boomers qui ne sont pas familiers avec l’intérim, il faut leur expliquer comment cela fonctionne », indique Corinne Gourdeau.
Pour certaines missions, il convient même de les former. « Ils apprennent plus difficilement que les autres candidats, concède Raphaël Linossier, mais ils s’impliquent davantage. » Surtout, à ses yeux, l’enjeu majeur est de redonner confiance à des personnes qui ont parfois eu le sentiment d’être évincées du marché du travail, même si elles détiennent un savoir-faire précieux.
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