Dans L’Obs du 8 janvier 2015, Fethi Benslama, auteur notamment de Déclaration d’insoumission : A l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas (Flammarion) et plus récemment de La Guerre des subjectivités en islam (Lignes) est invité à donner son interprétation du roman Insoumission de Michel Houellbecq. Reconnaissant la qualité de symptôme de cette "morne littérature", il note : "On ne peut mieux faire pour en appeler à l’avènement du pire".
Nouvel Observateur du 8/1/15
Entretien avec FETHI BENSLAMA
« Houellebecq est un morne jihadiste »
Psychanalyste, Fethi Benslama est professeur de psychopathologie à l’université Paris VII-Diderot, où il dirige l’UFR d’Études psychanalytiques. Auteur de nombreux essais remarqués, dont « La Psychanalyse à l’épreuve de l’islam » (Flammarion, 2002), il a récemment publié « La Guerre des subjectivités en islam » (Lignes, 2014).
Avec « Soumission », Michel Houellebecq s’attaque aux grands fantasmes qui travaillent la conscience occidentale et met en scène l’accès au pouvoir d’un parti musulman en France. Faut-il voir ce scénario comme une nouvelle provocation du romancier ?
FETHI BENSLAMA L’islam étant devenu, à cause de l’islamisme, la serpillère avec laquelle les détraqués et les pauvres types de tous pays essuient leurs débordements fantasmatiques et leurs passages à l’acte mortifères, Houellebecq s’en saisit à son tour, à sa manière. C’est un livre qui va assurément faire du bruit et qu’on peut voir comme une provocation, mais c’est sans intérêt de le considérer ainsi et de s’installer dans une énième dénonciation. A mon sens, il faut prendre ce livre comme le roman d’un symptôme de l’époque. La littérature est suffisamment « irresponsable », disait Georges Bataille, pour accueillir l’expression de toutes les folies. Cette suspension du jugement moral est d’ailleurs un ressort fondamental de la psychanalyse.
FETHI BENSLAMA L’islam étant devenu, à cause de l’islamisme, la serpillère avec laquelle les détraqués et les pauvres types de tous pays essuient leurs débordements fantasmatiques et leurs passages à l’acte mortifères, Houellebecq s’en saisit à son tour, à sa manière. C’est un livre qui va assurément faire du bruit et qu’on peut voir comme une provocation, mais c’est sans intérêt de le considérer ainsi et de s’installer dans une énième dénonciation. A mon sens, il faut prendre ce livre comme le roman d’un symptôme de l’époque. La littérature est suffisamment « irresponsable », disait Georges Bataille, pour accueillir l’expression de toutes les folies. Cette suspension du jugement moral est d’ailleurs un ressort fondamental de la psychanalyse.
Quel est ce symptôme ?
F. BENSLAMA Il est celui de la soumission qui donne le titre à l’ouvrage, et le passage à une soumission plus radicale encore, à savoir la soumission à l’islam. Car cette conversion imaginaire des élites et du régime politique à l’islam ne serait que le terme d’un asservissement préalable à l’ordre ultra libéral de l’occident, ce mélange entre capitalisme déchainé, consumérisme et techno-scientisme, dont Houellebecq s’est fait le dénonciateur ambigu dans ses romans. La soumission à l’islam n’est finalement que la soumission ultime de ceux qui sont déjà soumis, résignés et avachis. Il en fait une fiction qui comporte tous les ingrédients que l’on connaît de « la morne littérature » qu’il produit, à laquelle il ajoute une extension islamiste. « Morne » est un mot qui revient souvent sous sa plume. C’est son style, c’est-à-dire l’homme lui-même, et le but de son adresse : la représentation d’un monde occidental crépusculaire, décadent, déliquescent, voué au désastre.
F. BENSLAMA Il est celui de la soumission qui donne le titre à l’ouvrage, et le passage à une soumission plus radicale encore, à savoir la soumission à l’islam. Car cette conversion imaginaire des élites et du régime politique à l’islam ne serait que le terme d’un asservissement préalable à l’ordre ultra libéral de l’occident, ce mélange entre capitalisme déchainé, consumérisme et techno-scientisme, dont Houellebecq s’est fait le dénonciateur ambigu dans ses romans. La soumission à l’islam n’est finalement que la soumission ultime de ceux qui sont déjà soumis, résignés et avachis. Il en fait une fiction qui comporte tous les ingrédients que l’on connaît de « la morne littérature » qu’il produit, à laquelle il ajoute une extension islamiste. « Morne » est un mot qui revient souvent sous sa plume. C’est son style, c’est-à-dire l’homme lui-même, et le but de son adresse : la représentation d’un monde occidental crépusculaire, décadent, déliquescent, voué au désastre.
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