DÉCRYPTAGE
Une étude nationale montre une amélioration de la situation des bébés nés précocement. Une évolution due à un meilleur suivi et à une organisation plus efficace des maternités.
Les «crevettes», comme on les appelle. Des petits êtres pesant à peine un kilo - parfois moins - avec bonnet et chaussettes. Aujourd’hui, les crevettes vont mieux. Non pas qu’il y ait eu d’importants changements dans la prise en charge des grands prématurés, mais il y a davantage de précision, et surtout une bonne cohérence dans le réseau des maternités en France, des établissements de base (1) jusqu’aux maternités dites de niveau 3, qui ont un service de réanimation néonatale. «La survie des enfants grands prématurés en France s’améliore, et le nombre de ceux qui survivent sans séquelles sévères augmente», explique Pierre-Yves Ancel, responsable de l’équipe Inserm à l’origine de l’étude Epipage 2 (étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels) dont les résultats ont été dévoilés la semaine dernière. Un travail unique en Europe et qui, lancé en 2011, a inclus près de 7 000 enfants prématurés (mort-nés compris). L’objectif est de les suivre jusqu’à 7 ans. Ont-ils des séquelles ? La prématurité augmente-t-elle en France ? Examen en quatre questions.
Combien sont-ils ?
La durée moyenne normale d’une grossesse est de 40 semaines. On considère qu’un enfant naît prématurément avant le début du 9e mois de grossesse. La grande prématurité se situant entre 22 semaines d’aménorrhée (5 mois de grossesse) et 31-32 semaines (7 mois). En France, le pourcentage global d’enfants prématurés tourne autour de 5%. Parmi lesquels il y a environ 8 500 enfants nés vivants, chaque année, entre le 5eet le 7e mois de grossesse. Ce qui représente un peu plus de 1% des naissances. «C’est cette dernière catégorie qui a tendance à augmenter»,analyse le Pr François Goffinet, chef de la maternité de Cochin-Port-Royal à Paris. Les raisons de cette hausse sont variées, pas toutes clairement identifiées. La principale est le vieillissement des mères, le risque de prématurité augmentant avec l’âge de la parturiente. «D’autres facteurs jouent, comme les traitements contre l’infertilité, mais aussi le nombre en hausse de grossesses multiples liées aux fécondations artificielles.»Les facteurs sociaux sont importants : chez certaines femmes précaires, la grossesse est mal suivie, voire découverte tardivement.
À quoi tiennent les progrès ?
On assiste depuis quinze ans à une nette amélioration de l’état de santé des 8 500 enfants nés chaque année entre le 5e et le 7e mois de grossesse. «La proportion des enfants ayant survécu sans morbidité sévère a augmenté de 14% en quinze ans entre la 25e et la 29e semaine, et de 6% pour les enfants nés entre 30 et 31 semaines d’aménorrhée», analyse Pierre-Yves Ancel.
Paradoxalement, à l’heure où certains se plaignent de la fermeture des petites maternités, l’organisation en trois niveaux a changé la donne. L’important, en effet, est que la mère qui accouche prématurément soit orientée dans une maternité de type 3. «Aujourd’hui, la plupart de ces grands prématurés (80 à 85%) naissent dans ces maternités, c’est là le gros changement», relève Pierre-Yves Ancel. Car sur les traitements, il y a eu peu de changements : «Certains, comme les corticoïdes donnés à la mère, ou les surfactants pulmonaires qui facilitent la respiration du nouveau-né, sont utilisés plus souvent, avec une tendance générale à être moins agressifs, en particulier dans les techniques de ventilation respiratoires», précise le Pr Jean-Christophe Rozé, chef de service de médecine néonatale au CHU de Nantes. Reste une évidence : plus les enfants sont prématurés, plus le taux de survie est faible.
Quels sont les cas les plus compliqués ?
Il existe une «zone grise» qui désigne les naissances les plus délicates, les plus incertaines. A 22, 23, 24 semaines, voilà des prématurés extrêmes, souvent avec des poids minuscules, des chances de survie - avec ou sans handicap - très réduites. Que faire ? Aujourd’hui, en France, il n’y a pas de règles générales, mais le milieu de la néonatalogie n’est guère favorable aux exploits. «Pour ces enfants-là, certaines équipes réaniment, d’autres pas,explique le Pr Goffinet. Plusieurs éléments entrent en ligne de compte : le souhait et l’attitude des parents ; le poids de l’enfant, car il peut y avoir des enfants nés à 23 semaines avec un poids correct ; si c’est une fille ou un garçon, car, schématiquement, on estime qu’une fille a une résistance supérieure, une maturation évaluée une semaine de plus.» Dans les faits, peu sont réanimés, et le pourcentage de survie avant 24 semaines est de moins de 1%.
Et demain ?
Charlotte Bouvard a fondé l’association SOS Préma. Pour elle, c’est clair :«Pendant des années, on s’est concentré sur la technique, mais le devenir de l’enfant n’est pas uniquement physique. Plusieurs études ont montré que lorsque les services sont ouverts aux familles, que l’on y favorise des choses comme le "peau à peau", les bébés s’en sortent mieux.»«Et, par exemple, poursuit le Pr Goffinet, on travaille beaucoup sur le bruit, sur la lumière : faire en sorte que le temps passé en néonatalogie soit le moins violent possible.»
(1) La maternité de niveau 1 est destinée aux grossesses sans risques, celle de niveau 2 est plus médicalisée.
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