Pour l’année 2013, le Prix Asahi (décerné depuis 1929 par le quotidien japonais Asahi Shinbun[1]) est revenu à Kenji Kosaka, un psychiatre professeur émérite à la Faculté de médecine de Yokohama (Japon). Décerné par la Fondation Asahi Shinbun pour récompenser des chercheurs « ayant contribué au rayonnement de la culture ou de la société japonaise », ce Prix est considéré comme « l’un des plus prestigieux attribué par une institution non gouvernementale au Japon » et plusieurs lauréats du Prix Asahi furent récompensés ensuite par un Prix Nobel : par exemple, pour ses travaux sur les cellules-souches, Shinya Yamanaka a reçu le Prix Asahi en 2007, puis partagé en 2012 avec le britannique John Gurdon le Prix Nobel de physiologie et de médecine.
Honoré pour ses travaux sur la démence à corps de Lewy (DCL, seconde cause de démence du sujet âgé, après la maladie d’Alzheimer)[2], le Pr. Kenji Kosaka a apporté « d’importantes contributions » à la compréhension de la pathogenèse de la maladie, aux progrès cliniques dans son diagnostic, aux soins des patients, et à l’enseignement sur cette affection. Ce chercheur s’est aussi investi personnellement dans l’organisation et les activités des associations de familles de patients avec DCL, et ses « magnifiques contributions » nous permettent désormais de mieux comprendre son cadre conceptuel, celui d’une « maladie neurodégénérative commune entraînant une démence progressive avec des symptômes psychiatriques et neurologiques importants, à la zone frontalière entre la psychiatrie et la neurologie. »
En particulier, les travaux de Kenji Kosaka ont mis en lumière des mécanismes moléculaires sous-jacents, l’accumulation d’une forme fibrillaire d’alpha-synucléine dans les neurones et les cellules gliales jouant apparemment un rôle important dans la physiopathologie de la DCL. Rappelons que ces corps de Lewy constituent des « inclusions cytoplasmiques éosinophiles avec un centre dense entouré d’un halo de fibrilles radiantes, larges de 10 nanomètres et constituées d’une protéine » (l’alpha-synucléine[3]) dont les agrégats s’avèrent toxiques pour les neurones.
L’auteur insiste notamment sur le rôle (souvent salué) de la sérendipité dans la recherche. Forgé d’après une fable vénitienne où des princes de Serendip (ancien nom de Ceylan, aujourd’hui Sri Lanka) faisaient de passionnantes trouvailles en marge de leur quête d’un philtre magique, ce terme désigne (depuis l’écrivain britannique Horace Walpole au XVIII° siècle) un résultat inattendu. « C’est en poursuivant de fausses lueurs qu’on peut découvrir des vérités importantes, et il n’est pas rare de trouver une chose tandis qu’on en cherchait une autre » écrit en 1777 le chimiste anglais Joseph Priestley. Et Fontenelle résume l’inefficacité féconde de la quête : « Toutes les sciences ont leur chimère, après laquelle elles courent sans la pouvoir attraper ; mais elles attrapent en chemin d’autres connaissances fort utiles ». Pour le biologiste A. Szent György, la recherche c’est « aller vers l’inconnu ; si je sais déjà ce que je vais trouver, ce n’est plus de la recherche ». Illuminant toute la science à travers maintes innovations (découverte de l’Amérique, de la pénicilline,du four à micro-ondes, etc.), cette faculté de faire des découvertes inattendues constitue l’un des meilleurs moteurs du progrès.
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Asahi_Shinbun
[2] Kenji Kosaka: Latest concept of Lewy body disease. Psychiatry and Clinical Neurosciences, 2014; 68: 391–394.
[3] http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3275.htm
[2] Kenji Kosaka: Latest concept of Lewy body disease. Psychiatry and Clinical Neurosciences, 2014; 68: 391–394.
[3] http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3275.htm
Dr Alain Cohen
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