RÉCIT
Plus de 400 sans-abri sont décédés l'an passé, selon le collectif qui les recense. Mais une étude affirme qu'ils seraient des milliers.
Selon le bilan divulgué lundi par le Collectif les morts de la rue (CMDR), 454 sans-domicile-fixe seraient morts en 2013. Parmi eux, 15 enfants de moins de 15 ans (contre 3 en 2012), dont 10 de la communauté rom. Ce recensement n’est pas exhaustif, a précisé le collectif : «La réalité des décès est peut-être six fois plus grande que nos chiffres», commente Cécile Rocca, la coordinatrice du mouvement. D’où l’intérêt de la première étude scientifique consacrée à la question et menée par une équipe d’épidémiologistes français (lire ci-contre), publiée en juillet dans une revue britannique.
Violences. L’absence de décompte officiel de ces morts a poussé les scientifiques à utiliser une nouvelle méthode de calcul et à croiser les chiffres émanant de sources disparates. La prudence s’impose donc, mais leur estimation est frappante. Entre janvier 2008 et décembre 2010, plus de 6 500 personnes seraient mortes dans les rues de France: plus de 2 000 personnes par an.
Ce résultat, qui dépasse largement celui donné par le collectif Les morts de la rue, rappelle que la rue tue en masse et que ceux qui y survivent, dont l’âge au décès est de 48 ans en moyenne, font l’objet de violences physiques, psychologiques et sexuelles destructrices, été comme hiver.«On aimerait être au chômage technique, que la mort à la rue s’arrête,commente Cécile Rocca, la coordinatrice du mouvement. Mais pour y arriver, il faut d’abord connaître mieux ce qui se passe dans la rue.»
Cela fait plus de dix ans que le collectif recense, grâce à un réseau d’associations sur toute la France, les sans-abri disparus et leur rend les derniers hommages. Installé dans le XXe arrondissement de Paris, le CMDR a pour objectifs de donner des funérailles décentes à ceux qui bien souvent n’en auraient pas eu les moyens, d’accompagner le deuil de leurs proches ou de ceux qui les ont croisés, mais aussi d’alerter opinion publique et politiques sur un phénomène social encore méconnu, quand il n’est pas carrément accepté. Anciens sans-abri ou pas, ils sont 150 bénévoles à intervenir régulièrement sur différentes actions. Depuis que les premières funérailles interreligieuses ont été organisées à l’église Saint-Laurent de Paris, en 2002, un atelier chargé de mettre en place les cérémonies et des groupes de parole pour les proches ont vu le jour. Le collectif organise aussi des formations, «car beaucoup de travailleurs sociaux ne sont pas formés à accompagner le deuil».
Oubliés. En 2004, une convention a été signée avec la ville de Paris afin de travailler avec les hôpitaux, l’institut médico-légal et les services funéraires. Le plus souvent, l’hommage se tient dans le cimetière parisien de Thiais, le seul de la capitale à proposer des concessions gratuites. Il arrive aussi que des associations ou des proches demandent la présence du collectif à un enterrement. «C’est à chaque fois un drame, mais les familles nous sont très reconnaissantes quand elles voient le nom de leur proche, raconte Cécile Rocca. Bien souvent les services de police ou d’état civil ne les avaient pas prévenues.» Sur son site internet, le Collectif les morts de la rue publie une liste des victimes au jour le jour, si possible avec nom, prénom, âge et lieu du décès. Parfois il est simplement indiqué «un homme» ou un pseudonyme. Mais beaucoup de ces morts isolés demeurent ignorés, parce qu’on les avait déjà oubliés de leur vivant. Les causes des décès sont des agressions, des suicides, des accidents, ainsi que de nombreuses maladies (cancers, accidents cardio-vasculaires).
L’année 2014 ne sera pas inhabituelle. Selon le collectif, 210 sans-abri, déjà, sont décédés depuis le début de l’année en France. L’un des derniers s’appelait Amar Bouferghene, vivait à Denain (Nord) et avait 31 ans. Il est mort l’après-midi du 13 juillet, alors qu’il se lavait dans le canal de l’Escaut.
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