Vous avez tendance à rayer de vos priorités loisirs, hobbys ou séances sportives en raison du travail ? Des personnes vous ont prié de lever le pied côté professionnel mais vous ne les avez pas écoutées ? C’est peut-être le signe d’une addiction au travail, à risque pour la santé.
Une équipe norvégienne, qui a mis au point un nouveau test pour repérer cette dépendance, estime que 8,3 % des Norvégiens sont affectés. L’enquête de Cecilie Schou Andreassen (université de Bergen) et de ses collègues, menée auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1 000 employés, a été publiée le 13 août, dans la revue médicale en ligne PLoS One.
Décrite pour la première fois sous le vocable de « workaholisme », par analogie avec l’alcoolisme, au début des années 1970 par l’Américain Wayne Oates, l’addiction au travail suscite de plus en plus d’études dans le monde. Plusieurs outils de type questionnaire ont été créés pour diagnostiquer et quantifier le phénomène, mais les études épidémiologiques sont encore peu nombreuses et portent le plus souvent sur des effectifs limités. La définition elle-même du workaholisme est loin de faire consensus.
SENTIMENT DE CULPABILITÉ
Dans une approche considérant cet investissement excessif dans le travail comme une addiction comportementale, l’équipe de Cecilie Schou Andreassen vient de créer une nouvelle échelle : le BWAS (« Bergen Work Addiction Scale »). Les sept items, cotés chacun de 1 (« jamais ») à 5 (« toujours »), sont les suivants :
1) Vous réfléchissez à comment libérer plus de temps pour travailler ; 2) Vous passez beaucoup plus de temps à travailler que prévu ; 3) Vous travaillez dans le but de diminuer des sentiments de culpabilité, d’anxiété, d’impuissance ou encore de dépression ; 4) Des personnes vous ont conseillé de moins travailler mais vous ne les avez pas écoutées ; 5) Vous devenez stressé si vous n’êtes pas autorisé à travailler ; 6) Vous « dépriorisez » les loisirs ou le sport à cause du travail ; 7) Vous travaillez tellement que cela a des conséquences négatives sur votre santé.
Le diagnostic de workhaholisme est envisagé si la réponse est « souvent » ou « toujours » à au moins 4 des 7 critères. Les chercheurs norvégiens ont proposé le questionnaire à 2 160 Norvégiens âgés de 18 à 70 ans, tirés au sort dans un registre national d’employeurs et d’employés. Plus de la moitié, soit 1 124, ont participé. Parmi eux, presque un sur dix (8,3 %) répondait aux critères d’une dépendance au travail, les adultes jeunes (moins de 45 ans) étant plus touchés que les plus âgés. L’addiction au travail s’est révélée plus fréquente chez les individus avec une personnalité empathique ou névrotique et chez les intellectuels. En revanche, le sexe et le statut marital n’avaient pas d’influence particulière.
DES RISQUES NON NÉGLIGEABLES
« C’est pratiquement la première étude concernant ce thème sur une large population, souligne le docteur Laurent Karila, vice-président de SOS addictions, qui a consacré au workaholisme un chapitre de son livre Accro ! (Flammarion, 2013), qu’il a coécrit avec la journaliste Annabel Benhaiem. Le test de cette équipe est intéressant, nous sommes d’ailleurs en train de l’adapter et allons proposer de l’utiliser pour une étude en France, en population générale. » Dans sa consultation, à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif), ce spécialiste des addictions voit régulièrement des « workaddicts », au profil similaire à ceux décrits dans l’étude norvégienne. « Le plus souvent, ils consultent pour un autre motif, une addiction à une substance ou au Net, mais il faut rechercher systématiquement une dépendance au travail », précise-t-il.
Car les risques associés au workaholisme sont en effet loin d’être négligeables : burn-out, dépression, suicide et autres conduites addictives. Pour les prévenir, Laurent Karila a conçu des programmes de sensibilisation qu’il commence à présenter à des cadres d’entreprise.
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