Le chiffre est saisissant. Selon une étude écossaise publiée dans « The Lancet Psychiatry » chez 21 151 patients suivis en service d’oncologie (sein, poumon, colo-rectal, génito-urinaire, gynécologie) entre mai 2008 et août 2011, près de trois quarts des patients ayant un cancer et une dépression ne recevraient pas de traitement pour leur mauvaise santé mentale. Cet état de fait devrait d’autant plus interpeler qu’une dépression est bien identifiée comme facteur de raccourcissement de l’espérance de vie et qu’une forme majeure est fréquente dans les cancers.
Avec un dépistage effectué à l’aide d’un questionnaire et d’un entretien, la prévalence de la dépression majeure la plus élevée était retrouvée dans le cancer du poumon (13,1 %), puis dans le cancer colorectal (7,0 %) et les cancers génito-urinaires (5,6 %). Certains patients étaient davantage à risque de présenter une dépression majeure : les plus jeunes, les plus défavorisés socialement et les femmes (pour les cancers colo-rectaux et du poumon). Ces données pourraient aider les centres de psycho-oncologie à cibler les patients les plus en difficulté.
Des médicaments et une psychothérapie spécifique
Deux autres études publiées dans le même groupe, « The Lancet » et « The Lancet Oncology », également sous la direction du Pr Michael Sharpe, suggèrent qu’une prise en charge spécifique et intensive, appelée « DCPC » (en anglais pour « Depression Care for People with Cancer ») est efficace, respectivement, chez les patients atteints d’un cancer de bon pronostic (SMaRT Oncology-2) et chez ceux atteints d’un cancer de mauvais pronostic (SMarT Oncology-3). Ce programme consiste à associer un traitement médicamenteux antidépresseur et une prise en charge psychothérapeutique par du personnel spécialisé (infirmières formées, psychiatres), en collaboration avec le centre du cancer et aux soins primaires. Pour le Pr Michael Sharpe, de l’université d’Oxford : « Le bénéfice énorme apporté par le DCPC aux patients ayant un cancer et une dépression montre ce que nous pouvons obtenir pour eux en accordant autant d’attention au traitement de la dépression qu’à celui du cancer ».
Des bénéfices y compris pour les pronostics sombres
Dans l’étude randomisée SMaRT Oncology 2, les patients inclus avaient tous une survie prévisible ≥12 mois. Tandis que 62 % du groupe intervention (n= 143/231) ont présenté une diminution d’au moins 50 % des symptômes dépressifs sur une échelle validée de 20 items (Symptom Checklist Depression Scale), ce n’était le cas que pour 17 % du groupe standard (n=40/231), c’est-à-dire pris en charge par leur médecin traitant. De même, la seconde étude menée chez 142 patients atteints d’un cancer du poumon a constaté que le groupe intervention présentait une diminution significative du score de dépression. D’autres paramètres ont été améliorés tels que l’anxiété, la douleur, l’asthénie, la qualité de vie et le vécu des soins. Pour le Dr Jane Walker, de l’université d’Oxford et premier auteur de SMaRT Oncology 3 : « Cet essai montre que l’on peut traiter efficacement la dépression chez des patients ayant un cancer de mauvais pronostic tel que le cancer du poumon et améliorer vraiment la vie de ces patients. »
Dr I. D.
The Lancet Psychiatry, The Lancet, The Lancet Oncology, publiés en ligne
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