LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | Par Pierre Barthélémy
Dans le film Menteur,
menteur, Jim Carrey incarne un menteur pathologique, évidemment avocat de son
métier (Hollywood ne rate jamais un bon cliché), qui se retrouve dans
l’incapacité de dire autre chose que la vérité, « toute la vérité et rien que
la vérité » pendant une journée entière. On peut rire des situations dans
lesquelles se fourre le mythomane contraint au repentir, mais serions-nous
moins gênés si, 24 heures durant, nous étions à sa place ? Combien de fois
prenons-nous des libertés avec la vérité ? Pensez à vos entretiens d’embauche,
aux discussions de vos rendez-vous galants, et à la réponse que, quelques
heures plus tard, vous faisiez (ou qu’on vous faisait) à la question : « Alors,
heureuse ? »
Alors, combien de
mensonges par jour ? Les chercheurs en psychologie aimeraient bien le savoir
mais, la vraie vie étant différente des films ou de la télévision, il est
difficile de voir quand une personne sert un bobard. Le gène Pinocchio n’a pas
encore été implanté dans l’espèce humaine et les détecteurs de mensonge
s’avèrent d’une fiabilité douteuse. Le plus simple, s’est dit une équipe
américaine en 2002, c’est encore de demander aux menteurs.
Dans son étude
savoureuse publiée par la revue Basic and Applied Social Psychology, ce trio de
psychologues raconte comment il a fait se rencontrer 121 paires d’étudiants
pour un entretien de dix minutes censé aider les chercheurs à cerner les
interactions entre deux personnes se voyant pour la première fois. On notera
que l’expérience est basée sur un double mensonge (son but réel est caché et
les participants ignorent qu’ils sont filmés) mais on ne dira rien, c’est pour
la bonne cause. Dans chaque paire, un des deux cobayes se présente tandis que
l’autre est là pour relancer la conversation. Au bout des dix minutes, les
chercheurs révèlent le pot aux roses et demandent à chaque « parleur » de
regarder la vidéo de son blabla en signalant chaque entorse à la vérité. Ils
prennent la peine de rappeler que, par mensonge, on entend par exemple le fait
de dire à quelqu’un qu’on est d’accord avec lui alors qu’on pense secrètement
le contraire en le traitant in petto de crétin patenté, ou bien de se vanter
d’une mention très bien alors qu’on a péniblement décroché la moyenne.
TROIS MENSONGES TOUTES
LES DIX MINUTES
Résultat : 60 % des
cobayes ont reconnu avoir menti, ce qui laisse un 40 % – assez suspect aux yeux
des psychologues – d’honnêtes gens. Si l’on s’en tient à la catégorie des
baratineurs, la moyenne est de 3 mensonges en dix minutes ! Le record de
l’expérience s’est élevé à 12 contre vérités (enfoncé, Jim Carrey). Un des
participants a ainsi tenté de se faire passer pour la vedette d’un groupe de
rock – on n’a pas la photo de la fille à laquelle il s’adressait.
Selon les chercheurs,
ce test montre à quel point le mensonge s’est infiltré dans la vie de tous les
jours. Pour un des auteurs, Robert Feldman, cela peut s’expliquer ainsi : «
Nous apprenons à nos enfants que l’honnêteté est la meilleure des règles, mais
nous leur disons aussi qu’il est poli de dire qu’un cadeau d’anniversaire qu’on
leur a fait leur plaît [même si ce n’est pas le cas]. Les enfants reçoivent un
message très mitigé sur les aspects pratiques du mensonge et cela a un impact
sur leur comportement d’adultes. » A quand un Noël où l’enfant honnête dira à
sa grand-mère « Mémé, vraiment, il ne fallait pas m’offrir ce jouet aussi
stupide et répugnant que toi, mais ce n’est pas grave, je vais me débrouiller
pour le revendre à un gogo sur Internet » ?
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