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jeudi 28 août 2014

Et un, et deux, et trois mensonges

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO Par 
Dans le film Menteur, menteur, Jim Carrey incarne un menteur pathologique, évidemment avocat de son métier (Hollywood ne rate ­jamais un bon cliché), qui se ­retrouve dans l’incapacité de dire autre chose que la vérité, « toute la vérité et rien que la vérité » pendant une journée entière. On peut rire des situations dans lesquelles se fourre le mythomane contraint au repentir, mais serions-nous moins gênés si, 24 heures durant, nous étions à sa place ? Combien de fois prenons-nous des libertés avec la vérité ? Pensez à vos entretiens d’embauche, aux discussions de vos rendez-vous galants, et à la réponse que, quelques heures plus tard, vous faisiez (ou qu’on vous faisait) à la question : « Alors, heureuse ? »

Alors, combien de mensonges par jour ? Les chercheurs en psychologie aimeraient bien le savoir mais, la vraie vie étant différente des films ou de la télévision, il est difficile de voir quand une personne sert un bobard. Le gène Pinocchio n’a pas encore été implanté dans l’espèce humaine et les détecteurs de mensonge s’avèrent d’une fiabilité douteuse. Le plus simple, s’est dit une équipe américaine en 2002, c’est encore de demander aux menteurs.


Dans son étude savoureuse publiée par la revue Basic and Applied Social Psychology, ce trio de psychologues raconte comment il a fait se rencontrer 121 paires d’étudiants pour un entretien de dix minutes censé aider les chercheurs à cerner les interactions entre deux personnes se voyant pour la première fois. On notera que l’expérience est basée sur un double mensonge (son but réel est caché et les participants ignorent qu’ils sont filmés) mais on ne dira rien, c’est pour la bonne cause. Dans chaque paire, un des deux cobayes se présente tandis que l’autre est là pour relancer la conversation. Au bout des dix minutes, les chercheurs révèlent le pot aux roses et demandent à chaque « parleur » de regarder la vidéo de son blabla en signalant chaque entorse à la vérité. Ils prennent la peine de rappeler que, par mensonge, on entend par exemple le fait de dire à quelqu’un qu’on est d’accord avec lui alors qu’on pense secrètement le contraire en le traitant in petto de crétin patenté, ou bien de se vanter d’une mention très bien alors qu’on a péniblement décroché la moyenne.

TROIS MENSONGES TOUTES LES DIX MINUTES

Résultat : 60 % des cobayes ont reconnu avoir menti, ce qui laisse un 40 % – assez suspect aux yeux des psychologues – d’honnêtes gens. Si l’on s’en tient à la catégorie des baratineurs, la moyenne est de 3 mensonges en dix minutes ! Le record de l’expérience s’est élevé à 12 contre vérités (enfoncé, Jim Carrey). Un des participants a ainsi tenté de se faire passer pour la vedette d’un groupe de rock – on n’a pas la photo de la fille à laquelle il s’adressait.


Selon les chercheurs, ce test montre à quel point le mensonge s’est infiltré dans la vie de tous les jours. Pour un des auteurs, Robert Feldman, cela peut s’expliquer ainsi : « Nous apprenons à nos enfants que l’honnêteté est la meilleure des règles, mais nous leur disons aussi qu’il est poli de dire qu’un cadeau d’anniversaire qu’on leur a fait leur plaît [même si ce n’est pas le cas]. Les enfants reçoivent un message très mitigé sur les aspects pratiques du mensonge et cela a un impact sur leur comportement d’adultes. » A quand un Noël où l’enfant honnête dira à sa grand-mère « Mémé, vraiment, il ne fallait pas m’offrir ce jouet aussi stupide et répugnant que toi, mais ce n’est pas grave, je vais me débrouiller pour le revendre à un gogo sur Internet » ?

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