Le calendrier des gouvernements successifs de François Hollande sur les questions de famille est décidément difficile à suivre : ce champ d'action n'a plus de ministre, mais une loi sur le sujet est prête. Celle rédigée par les députés Marie-Anne Chapdelaine (Ille-et-Vilaine) et Erwann Binet (Isère), et déposée par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, comme annoncé dans la précipitation début février, après l'abandon de la loi sur la famille préparée par l'ancienne ministre déléguée Dominique Bertinotti. Le texte, qui compte une vingtaine d'articles, devait être rendu public jeudi 3 avril.
C'est le premier dossier que devra traiter celui ou celle qui prendra la suite de Mme Bertinotti si un secrétariat d'Etat est créé… ce qui est peu probable à ce stade. Sinon, il atterrira directement sur le bureau de la ministre chargée des affaires sociales, Marisol Touraine.
Le domaine est périlleux, le précédent gouvernement l'a éprouvé plus d'une fois. Mais dans la proposition de loi, les sujets les plus explosifs sont écartés, conformément au souhait de M. Hollande. Il n'y est question ni de procréation médicalement assistée, ni de droit d'accès aux origines pour les enfants nés sous X ou par PMA, ni de l'état civil des enfants nés par gestation pour autrui… En redéfinissant la notion d'autorité parentale et en accédant à certaines revendications des associations de pères séparés, elle touche cependant des sujets très sensibles.
Les parlementaires n'ont pas souhaité instaurer la garde alternée paritaire pour les enfants comme solution générale en cas de séparation, contrairement à ce que ces associations revendiquent.« Il faut en faire la promotion, mais on ne peut pas l'imposer, les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui, affirme M. Binet. Elle n'est pas recommandée pour les jeunes enfants, et il est préférable que les parents s'entendent pour qu'elle réussisse. »
En revanche, la proposition de loi pose comme principe la fixation de la résidence au domicile des deux parents « afin de traduire leur égalité ». La notion de « droit de visite et d'hébergement » est supprimée (sauf si un seul parent exerce l'autorité parentale). Ce qui ne dit rien du temps passé par les enfants au domicile de l'un ou de l'autre : les parents pourront continuer à appliquer le classique « un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires », ou la garde alternée paritaire, ou encore un régime intermédiaire, s'ils le souhaitent ou si le juge en décide.
« Le temps d'accueil est déconnecté de la double résidence », résume Mme Chapdelaine. Mais les mots changent. « Le fait d'avoir seulement un droit de visite est mal vécu par certains pères, explique M. Binet. C'est une violence symbolique. » Au-delà, l'objectif est d'encourager les parents à mettre l'intérêt de l'enfant au coeur des discussions. « L'alternance des temps de résidence au domicile de chacun des parents pourra s'effectuer selon des modalités plus souples », plaide l'exposé des motifs.
« MANDAT D'ÉDUCATION QUOTIDIENNE »
Le texte redéfinit également les actes « importants » qui requièrent l'autorisation de l'autre parent : le changement d'établissement scolaire et, surtout, le changement de résidence,« dès lors qu'il modifie les modalités d'accueil de l'enfant par l'autre parent ». Un point qui devrait soulever des débats, car il est susceptible d'entraver la liberté de mouvement des parents séparés. La proposition de loi prévoit par ailleurs de sanctionner un parent qui ne remettrait pas les enfants à l'autre en temps voulu par une amende « proportionnée à la gravité de l'atteinte », sans excéder 10 000 euros. La non-présentation d'enfants est aujourd'hui un délit, mais fait fréquemment l'objet d'un classement sans suite.
Pour les familles recomposées, le texte crée un « mandat d'éducation quotidienne ». Ce dernier permettrait au beau-parent qui le souhaite d'accomplir des actes de la vie quotidienne (aller chercher un enfant à l'école, l'amener chez le médecin, etc.) sans autorisation spécifique. Cette innovation a surtout une portée symbolique, car elle donne statut à des actes déjà effectués. Surtout, l'accord du parent biologique reste nécessaire. Aucune disposition n'est prévue pour faciliter la transmission du patrimoine ou Enfin, la loi ambitionne de développer le recours à la médiation familiale en cas de conflit entre les ex-époux ou parents. Le juge aux affaires familiales pourra ordonner au couple d'entrer en médiation (au lieu d'assister simplement à une séance d'information comme c'est le cas aujourd'hui).
Le texte a été élaboré en concertation avec le gouvernement précédent, mais les parlementaires comptent sur un maintien de cap, d'autant que le ministère de la justice, qui a pris part aux discussions, n'a pas changé de titulaire. Ils espèrent un examen à l'Assemblée nationale début mai… si l'agenda n'a pas été bouleversé par le changement de gouvernement.
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