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dimanche 13 avril 2014

Améliorer la santé de la Sécu : des pistes sur le bureau de Manuel Valls

03/04/2014

Dans son allocution annonçant la nomination de Manuel Valls au poste de Premier ministre, le Président de la République François Hollande a réaffirmé que la Sécurité sociale « avec priorité donnée à la santé » était le second pilier du « pacte de solidarité », pendant du pacte de responsabilité. Difficile de cerner avec exactitude quelles sont derrière ces formules très générales les ambitions de l’exécutif dans ce domaine. On peut supposer qu’il s’agit d’améliorer l’efficacité de la Sécurité sociale, afin notamment qu’elle contribue plus justement à un accès égalitaire aux soins.

Un système qui ne répond que très imparfaitement aux objectifs fixés

Dans cette perspective, le Conseil d’analyse économique propose dans une note publiée ce 2 avril (mais qui a été présentée à Jean-Marc Ayrault début mars) des propositions détonantes.
Premier constat des économistes Brigitte Dormont (Université Paris Dauphine), Pierre-Yves Geoffard (Ecole d’économie de Paris) et Jean Tirole (Toulouse School of Economics) : « l’organisation de l’assurance maladie en France ne permet pas de concrétiser les principes fondateurs de notre système (…) résumés par la maxime : de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». En effet, si les dépenses laissées à la charge des ménages figurent parmi les moins importantes d’Europe (9,6 %), des inégalités importantes existent. Par exemple, la combinaison des différentes participations financières mises en place et des multiples systèmes de couverture fait que pour les 82,4 % des assurés qui ne relèvent pas du régime des affections longue durée, leur niveau de prise en charge par l’assurance maladie est seulement de 59,7 %. Par ailleurs, on constate que si le reste à charge moyen est de 498 euros par an, il s’élève pour 1 % des assurés à 4 026 euros pour les soins de ville et 945 euros pour l’hôpital. De telles sommes qui « expliquent en grande partie le renoncement aux soins que l’on peut observer chez les personnes non couvertes  par des complémentaires » illustrent selon les trois économistes les failles du système. A cela, s’ajoute selon eux une inégalité d’accès aux complémentaires : si en France, seuls 4,2 % des ménages n’ont pas de mutuelle, cette proportion s’élève en effet à 8,5 % chez les 20 % de familles les plus modestes. Par ailleurs, « l’organisation du marché de l’assurance complémentaire en France ne protège pas vraiment contre la discrimination selon le risque » observent les trois économistes. Ils constatent enfin que « le système français d’assurance maladie est coûteux en frais de gestion, mais aussi en dépenses fiscales pour faire tenir cet édifice complexe et semi privé ».

Contractualisation entre les ARS et les professionnels de santé : difficile à mettre en œuvre

Ce bilan plus que contrasté appelle donc selon eux à une réforme en profondeur. En s’inspirant des exemples étrangers où dans la majorité des cas « les systèmes d’assurance maladie (…) s’appuient généralement sur une concurrence régulée entre les caisses d’assurance », les trois économistes formulent plusieurs propositions. Ils suggèrent tout d’abord de « couvrir à 100 % les soins hospitaliers, à l’exception d’un forfait journalier ramené à huit euros ». Pour les soins de ville, serait mise en place une « franchise annuelle et un co-paiement qui peuvent être fonction du revenu des patients » et qui ne seraient pas couverts par les assurances complémentaires mais plafonnés. C’est de fait un système que l’on retrouve dans nombre de pays. Mais pour réellement fonctionner, ce schéma devrait s’accompagner selon les auteurs d’une régulation de l’offre de soins, par le biais d’une contractualisation des Agences régionales de santé (ARS) avec les professionnels de santé ! Pas sûr que cette idée fasse mouche auprès des intéressés, peu enclins à des paiements différenciés en fonction des régions !

Ne rien faire serait le pire

Les propositions du Conseil visent dans un second temps l’organisation même de l’assurance maladie. Il vante en la matière soit « une véritable concurrence dans le secteur des complémentaire en définissant un contrat homogène » soit plus largement encore la fin du système mixte « assurance publique/assurances privées » et « un financement des soins unifié sur un mode public décentralisé ou sous la forme d’une concurrence régulée entre les caisses d’assurance ». Conscients que leurs propositions représentent une mutation difficile, les trois économistes remarquent cependant que «le coût du statut quo nous semble suffisamment élevé pour inviter le décideur public à s’engager dans cette direction ». Manuel Valls répondra-t-il présent ?
Rien n’est moins sûr.
Aurélie Haroche

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