La vie des idées se compose de trouvailles, de questions vaines, de querelles et de débats profonds. Ce qui est sûr, c’est que controverses et réflexions expriment l’esprit d’une époque qu’il n’est pas forcément facile de résumer. D’où l’intérêt de la synthèse que tente d’en produire la troisième édition de cePanorama.
Or, à ce titre, l’année débute sous de tristes auspices, celui du « sentiment d’abandon » qui aurait marqué 2013. Le cœur plus lourd que l’esprit fécond, notre monde baignerait dans l’inquiétude et peinerait à penser. C’est la conviction qu’exposent les journalistes Jean-Marie Durand et Emmanuel Lemieux dans leur éditorial du Panorama des idées 2014, dont ils ont dirigé la publication. L’ouvrage reprend notamment de courts articles déjà publiés sur le site qu’ils dirigent, Les Influences, consacré aux idées, et, si la mélancolie est bien présente dans cette livraison, elle se présente comme un miroir déformant la réalité.
L’ISOLEMENT
Un dévorant sentiment d’abandon peut-il servir de grille universelle de lecture de tous phénomènes sociaux actuels ? On est prompt aujourd’hui, par exemple, à dénoncer le narcissisme des gens pressés de se retrouver seuls ensemble sur les réseaux sociaux Internet. Mais ne nous laissons pas abuser, affirme le sociologue américain Claude Fischer, cité dans un article intitulé sans surprise « L’ultra moderne solitude », les jeunes branchés ne sont pas ceux qui souffrent le plus de l’isolement. Les personnes âgées y sont plus exposées.
De nombreuses notions indispensables pour penser notre temps restent en friche, remarquent les directeurs de l’ouvrage, « comme si les effets de la crise anesthésiaient et frappaient les esprits ». Le chômage serait l’un des premiers champs à pâtir de ce paradoxal renoncement intellectuel. « L’anthropologie du chômeur mériterait des recherches pluridisciplinaires et plus fines qu’une lamentation statistique et qu’un dolorisme intellectuel », écrivent les directeurs de la publication dans un article cosigné avec Thierry Germain, membre des Influences.
Constater cette lacune, c’est commencer à la combler. Alors que des pans entiers de réel restent dans l’ombre, l’utopie non plus n’est guère au goût du jour dans la vie des idées. Sinon pour prendre acte de la fin de la croissance telle que la France l’a connue pendant les « trente glorieuses ». Seule utopie répertoriée en 2013, les « convivialistes », un mouvement lancé par le sociologue Alain Caillé, favorable à un renouveau de la relation et de la coopération. Des signataires français et étrangers se sont associés à sa démarche. Suffiront-ils à nous tirer de notre esseulement ?
Le Panorama des idées 2014
Sous la direction de Jean-Marie Durand et Emmanuel Lemieux
Editions François Bourin, 302 pages
Sous la direction de Jean-Marie Durand et Emmanuel Lemieux
Editions François Bourin, 302 pages
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