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mardi 5 septembre 2023

Peut-on vraiment guérir d’un trouble psychique ?

 

Publié en ligne le 2 septembre 2023 

La guérison en médecine signifie la disparition d’une maladie et le retour à l’état de santé antérieur à celle-ci, un retour dit ad integrum, grâce à l’instauration d’une thérapie traitant des causes de la maladie. Cette définition s’adapte bien aux maladies aiguës comme une infection bactérienne ayant, dans la plupart des cas, un début et une fin. Mais cette approche ne peut pas être généralisée : elle est, par exemple, mise à mal avec les maladies chroniques comme le diabète, l’asthme, les troubles thyroïdiens… Dans ce cadre, les interventions soignantes ont pour objectif de limiter les manifestations de la maladie et ses impacts, faute de la faire disparaître. Par ailleurs, les progrès de la médecine permettent de guérir des maladies qui étaient jusque-là fatales, ou de les transformer en maladies chroniques avec lesquelles on peut vivre (comme certains cancers). Qu’en est-il en psychiatrie ?

Guérir d’une pathologie psychiatrique, une pure folie ?

La guérison, en tant que rémission symptomatique complète, est une ambition réaliste pour certaines pathologies. C’est par exemple le cas de certains états dépressifs caractérisés qui peuvent présenter une rémission symptomatique complète pour un tiers des patients, après huit semaines de traitement médicamenteux bien conduits [1]. Toutefois, ce concept de guérison ne semble pas adapté aux pathologies psychiatriques dites sévères, comme la schizophrénie, le trouble bipolaire ou les troubles de l’humeur ou anxieux sévères. Ces troubles sont définis par la Haute autorité de santé par « leur caractère incertain et évolutif, le temps nécessaire pour confirmer le diagnostic, la stigmatisation associée, le handicap psychique engendré, le risque suicidaire, parfois la nécessité de soins sans consentement, les comorbidités somatiques, les conduites addictives et les difficultés à prendre conscience des troubles et à s’y ajuster » [2]. La guérison dépasse en effet complètement la seule dimension médicale (la présence des symptômes, leur intensité et leur retentissement). Elle renvoie à des attentes d’ordre politique et socioculturelle autour de la normalité et de la dangerosité supposée des « anormaux » [3]. De plus, la maladie psychique est souvent perçue comme un déficit stable et irréversible, inscrit dans l’identité même des personnes concernées.

Il en découle des représentations populaires encore persistantes : un trouble psychique serait incurable et la place des personnes concernées serait dans les hôpitaux psychiatriques conçus spécialement pour eux et non « dans la rue ». Autre idée reçue : la rareté supposée des troubles psychiques. Ils touchent pourtant beaucoup d’entre nous puisqu’une personne sur cinq souffrira d’une dépression au cours de sa vie [1]. Quant aux troubles psychiques sévères, ils concernent environ trois millions de personnes en France [4].

Prenons l’exemple de la schizophrénie. Une vision très pessimiste caractérise encore l’évolution de ce trouble psychique sévère. Elle remonte à la fin du XIXe siècle, où elle s’appelait alors « démence précoce » et avait un pronostic forcément défavorable. Cette vision fataliste perdure. Qu’en est-il en réalité ? La rémission est-elle possible ? Doit-elle s’évaluer uniquement sur des critères symptomatiques comme ceux définis de manière consensuelle en 2005 [5] ? Cette rémission correspondrait alors à une diminution importante de différents symptômes de la maladie (symptômes positifs ou délires, symptômes négatifs, désorganisation de la pensée) pendant au moins six mois, associée à un fonctionnement opérant dans les actes de la vie quotidienne évalué comme stable et de bonne qualité. Sur ce modèle uniquement médical, le taux de rémission à un an de la mise en place d’un traitement reste modeste, de 10 % à 27 % selon plusieurs études [6]. On peut cependant reprocher à cette approche de se fonder sur la simple observation clinique du thérapeute (à l’aide d’échelles validées), sans prise en compte réelle du point de vue de la personne concernée. Elle induit aussi une vision de la bonne santé mentale à l’absence de symptôme psychiatrique.

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