Publié le 6 septembre 2023
Dans sa Carte blanche au « Monde », la chercheuse en psychologie Sylvie Chokron souligne, à l’heure de la rentrée et du plongeon dans le tourbillon du quotidien, les bienfaits sur notre santé mentale des moments de calme. Et ce paradoxe qui nous fait souvent préférer des environnements bruyants.
De retour de vacances, le premier choc, en ville, c’est le bruit. Il est partout, vous suit et ne vous quitte pas, où que vous alliez. Dans la rue, dans les lieux publics, dans les transports en commun, au supermarché, très tôt le matin et jusqu’à tard le soir, impossible de vous en défaire, les sons vous submergent. Vous comprenez alors que, pendant vos congés, vous avez sans doute savouré avant tout… le silence.
Pour l’explorateur norvégien Erling Kagge, le silence est peut-être tout simplement le plus grand des luxes à l’heure actuelle. Et, de fait, le bruit ambiant pourrait être responsable de bien des maux. Ainsi, nombreuses sont les études qui démontrent les effets néfastes du bruit sur notre santé mentale, physique et cognitive.
A l’inverse, le silence serait à même de diminuer notre pression artérielle, notre fréquence cardiaque ainsi que notre niveau de cortisol, donc de stress. Malgré ces données qui soulignent clairement les effets bénéfiques du silence, beaucoup d’entre nous ne supportent plus d’être assis, immobiles, dans le silence, avec leurs pensées pour seule compagnie.
En 2014, dans une série d’études, Timothy Wilson, du département de psychologie de l’université de Virginie, et ses collègues ont découvert que les étudiants n’appréciaient pas de « réfléchir » en silence, seuls dans une salle. Le fait d’être isolés, dans une pièce sans bruit, avec leurs propres pensées pendant quinze minutes était apparemment si aversif que cela poussait de nombreux participants à s’administrer eux-mêmes un choc électrique qu’ils avaient pourtant auparavant jugé si désagréable qu’ils auraient payé pour l’éviter ! C’est dire à quel point nous avons du mal à accepter d’être seuls avec nous-mêmes.
Nicholas Buttrick a repris les expériences de son collègue Timothy Wilson, en 2018, auprès de sujets issus de pas moins de onze pays différents. Les résultats, édifiants, montrent clairement que la majorité des participants préfère s’adonner à n’importe quelle activité plutôt que de ne rien faire, dans le silence. Regarder la télévision ou se ruer sur son téléphone apparaissent ainsi comme des activités bien plus agréables que de se tourner vers soi-même pour penser seul.
Meilleur allié du cerveau
Pourtant, savourer le silence, évoquer des souvenirs agréables ou se projeter vers des événements à venir pourrait, en principe, induire des affects positifs. Mais ce n’est pas tout. Le silence pourrait bien être le meilleur allié de notre cerveau.
Imke Kirste et ses collègues du Centre de recherche sur les thérapies régénératives de Dresde (Allemagne) ont fait une découverte surprenante en étudiant l’effet du contexte sonore sur le cerveau de souris. Celles-ci étaient réparties en différents groupes et se trouvaient exposées à un bruit standard de l’animalerie (condition contrôle), à un bruit blanc (créé de façon aléatoire en combinant toutes les fréquences sonores simultanément), à l’appel de chiots, à la Sonate pour deux pianos en ré majeur, K448, de Mozart ainsi qu’au silence. Les chercheurs ont mesuré le nombre de nouvelles cellules nerveuses dans l’hippocampe, zone bien connue pour son implication dans la mémoire et dans le repérage spatial.
Toutes les conditions, sauf le bruit blanc, augmentent la neurogenèse dans l’hippocampe dans les heures qui suivent les stimulations. Mais le plus étonnant est que, après sept jours, seul le silence induit encore une prolifération des cellules nerveuses dans l’hippocampe !
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