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lundi 22 mai 2023

Violences ordinaires Contre le harcèlement dans les transports, ne pas faire tomber la chemise




par Constance Vilanova  publié le 20 mai 2023

Sur TikTok, avec le hashtag #SubwayShirt, des jeunes femmes dénoncent le fait qu’elles modifient leur tenue avant de prendre les transports en commun pour éviter le harcèlement.

Eté 2020. Londres. Sophie Milner, influenceuse de 29 ans, s’apprête à quitter son appartement après une séance de sport à domicile. Elle a une course rapide à faire. Températures records obligent, elle porte un short et une brassière de sport. Avant de claquer la porte d’entrée, elle fait marche arrière et enfile un t-shirt ultra-large. «Je me suis rendu compte que je le faisais inconsciemment depuis des années pour qu’on ne me fixe pas ou qu’on ne m’interpelle pas. C’est constant l’été et particulièrement quand je dois prendre les transports en commun», raconte à Libération celle qui fédère 193 000 abonnés sur Instagram. Trois ans plus tard, le 5 mai, elle tombe sur le post d’une autre créatrice de contenu, Rae Hersey, de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis. On y aperçoit la jeune femme brune assise dans un bar. Elle déboutonne et ôte une chemise blanche ample, laissant apparaître un top noir moulant. En légende «Quand tu arrives à destination et que tu peux enlever ta chemise de métro». En hashtag #SubwayShirt. 670 000 vues.

Enième stratégie d’évitement

Sophie Milner reprend : «Ça faisait longtemps que je voulais parler de ces tenues qu’on doit changer en dernière minute à cause du harcèlement que l’on subit en continu et en voyant la vidéo de Rae je me suis dit : Oh mon Dieu, d’autres femmes font ça et à New York.”»La trentenaire ajoute son post à l’édifice. Une pastille avant /après qui montre ses techniques de dissimulation : une robe bustier noire planquée sous une chemise, un crop top en dentelle dissimulé par un immense t-shirt, une robe à bretelle blanche cachée sous un trenchcoat…. «A Londres, dans les transports en tant que femmes, les hommes nous fixent comme si on était des morceaux de viande… C’est tellement courant qu’il y a des affiches avertissant les gens à ce sujet, interdisant aux harceleurs de le faire, et expliquant comment les autres usagers peuvent aider», complète l’influenceuse.

Aujourd’hui, le hashtag #SubwayShirt déferle sur le réseau social chinois et a généré 3,8 millions de vues. «Il fait 30 °C à New York donc n’oubliez pas de prendre votre #SubwayShirt», rappelle une internaute«N’oubliez pas votre Subway Shirt les filles, restez sexy, restez chaude et restez loin des tarés», ironisait déjà une autre en 2022, avant que le mot-dièse ne décolle.

Ces jeunes femmes mettent en lumière avec humour une énième stratégie d’évitement malheureusement vieille comme le monde. En 2016, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports publiait une étude qui démontrait que 87 % des usagères interrogées avaient déjà été harcelées au moins une fois dans les transports en commun. Regards insistants, frotteurs, insultes : une femme sur deux expliquait modifier sa tenue en conséquence.

«Violence ordinaire»

«Ce que le phénomène du #SubwayShirt montre, c’est qu’en 2023, les femmes ne sont toujours pas à leur place dans l’espace public, qu’elles sont en danger. Un exemple : en tant que femmes on a intégré le fait que c’est une évidence de prévenir ses amies qu’on est arrivé à destination quand on rentre seule la nuit», analyse Anna Toumazoff, activiste féministe à l’origine de plusieurs hashtags autour des violences sexuelles comme #UberCestOver qui dénonçait les agressions dont sont victimes les clientes de ce service de VTC. Celle qui détourne les injonctions patriarcales à l’aide de mèmes sur son compte Instagram reprend : «Et d’ailleurs, on sait toutes qu’on va nous faire porter la responsabilité du harcèlement en fonction de notre tenue. Mais vêtements couvrants ou pas, on se fait harceler. Avec le #SubwayShirt, les internautes dénoncent avec humour, une violence ordinaire, un signal d’alarme permanent qu’elles essayent de rendre plus vivable.»

En novembre 2022, la RATP, la SNCF et la région Ile-de-France lançaient une grande campagne de sensibilisation contre le harcèlement dans les gares et stations pour faire connaître le numéro d’urgence dans les transports en commun : le 31 17… qui existe depuis 2010. Contre le harcèlement sexiste, il serait peut-être temps que les instances publiques se retroussent enfin les manches (de chemise).


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