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vendredi 7 avril 2023

“Si l’école publique n’accueille plus que les enfants des pauvres, on aura cassé le contrat républicain”


Réduire la subvention des établissements privés sous contrat qui ne jouent pas le jeu de la mixité sociale ? Telle est la proposition de loi de Pierre Ouzoulias, sénateur communiste. Interview.


Le lycée catholique privé des Chartreux à Lyon (69).
Le lycée catholique privé des Chartreux à Lyon (69).  Photo Soudan / Alpaca / Andia.fr

Alors que le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye s’apprête à présenter un plan pour lutter contre la ségrégation scolaire, la proposition de loi du sénateur communiste des Hauts-de-Seine ne passe pas inaperçue.

Pouvez-vous expliquer les tenants et les aboutissants de votre proposition de loi ?
Le budget des établissements privés sous contrat est financé à hauteur de 73 % par l’État et les collectivités territoriales, qui distribuent cet argent sans contrepartie. Ce n’est pas normal. Plutôt que de calculer cette dotation uniquement sur la base d’un ratio par élève, je propose de l’indexer sur l’indice de position sociale (IPS) et donc de réduire la subvention des écoles, collèges et lycées qui ne répondent pas à des objectifs de mixité sociale et scolaire. Ce serait l’occasion de réinvestir l’argent ainsi économisé dans des structures publiques ou privées qui en ont besoin. Ce système existe déjà pour les collectivités : dans les Hauts-de-Seine, par exemple, l’État ne subventionne pas autant Neuilly que Bagneux.

Quel est votre objectif ?
L’intérêt de la proposition de loi que je porte, c’est de lancer un cri d’alarme. Même si je connais des établissements privés qui jouent parfaitement le jeu de la mixité, tous ne le font pas. Et aujourd’hui, les discriminations territoriales sont de plus en plus violentes, presque irréversibles. Si demain l’école publique n’accueille plus que les enfants des pauvres, on aura cassé le contrat républicain en créant un système éducatif à deux vitesses. D’un côté, des écoles gratuites pour les familles en grande difficulté sociale, de l’autre des écoles pour l’élite, qu’elles soient publiques ou privées. Je mène une bataille politique et culturelle pour ranimer l’utopie républicaine qui embrasse l’égalité des droits à un enseignement de la même qualité pour tous, dans les villes pauvres comme riches, à la campagne et dans les Outre-mer. Et je le fais au nom d’un principe moral : quand l’État verse de l’argent, il a le droit de demander des contreparties.

Que vous inspire l’initiative du ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, qui devrait présenter son plan pour la mixité sociale à l’école d’ici la fin du mois d’avril ?
Je le trouve très sincère dans son projet politique. Il a tout à fait raison de mettre le dossier sur la table. Malheureusement, Pap Ndiaye est pris dans les limites d’un gouvernement qui n’arrive pas à penser l’école comme un sujet pluriministériel. Je crois que ses services auraient été ravis de porter le projet que je défends. Je pense même que c’était une des pistes envisagées par Pap Ndiaye. Il ne l’a pas dit, mais c’est ce qui ressort des propos qu’il a tenus au Sénat. Sauf que, dès qu’on touche au privé, les directions de ces écoles sous contrat montent au créneau, et c’est le président de la République, Emmanuel Macron, qui, à la fin, rend des arbitrages. Le ministre de l’Éducation se contentera donc d’établir une relation contractuelle avec ces établissements, puis de regarder régulièrement si le contrat est respecté. En l’absence de procédure de sanction, on sait ce que ça vaut.

Face à ces obstacles, la loi est donc un levier…
C’en est un, mais ce n’est pas le seul. En matière d’éducation, il y a en effet énormément de dispositifs qui sont d’ordre non pas législatif mais réglementaire, comme les modifications de la carte scolaire, pour permettre un brassage social plus important, ou l’enrichissement de l’offre d’options et de spécialités – latin, grec, classes Cham [classe à horaires aménagés, ndlr], etc. – dans les établissements défavorisés. Enfin, on ne peut pas ne pas s’intéresser aux politiques du logement, car il ne peut pas y avoir de mixité dans les écoles implantées dans des villes comme Bagneux ou Gennevilliers, où le niveau social est faible partout. Ce sont tous ces chantiers qu’il faut lancer.


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