Par Violaine Morin Publié le 29 mars 2023
Les collèges Pierre-Sémard et Aretha-Franklin, en Seine-Saint-Denis, présentent des taux de réussite au brevet supérieurs à ceux attendus. Sur place, les équipes mettent en avant le travail en commun, le climat scolaire, et le suivi des familles les plus en difficulté.
C’est l’éternelle question du système scolaire : comment expliquer que, à composition sociale équivalente, un établissement fasse mieux qu’un autre ? L’éducation nationale a décidé de « chiffrer » le phénomène en publiant la valeur ajoutée des collèges sur la base des résultats au brevet. Sur le terrain, deux établissements qui « sortent du lot » mettent en avant des explications diverses, qui tiennent autant au climat scolaire qu’au travail en équipe.
Les collèges Pierre-Sémard et Aretha-Franklin de Drancy (Seine-Saint-Denis) sont tous deux classés éducation prioritaire (REP). Ils obtiennent respectivement 88 % et 89 % de réussites au brevet – soit mieux que le résultat attendu – avec respectivement 47,2 % et 50,1 % de boursiers, et un indice de position sociale de 78 (contre 103 en moyenne nationale) dans les deux collèges.
Sur place, il faut parfois expliquer ce qu’est la valeur ajoutée des collèges à des enseignants plutôt dubitatifs. C’est la première fois, en effet, que l’éducation nationale calcule le différentiel entre le résultat brut et le résultat attendu au diplôme national du brevet. « Ça veut dire quoi, être en réussite ? Un élève qui est devenu plus épanoui, je considère qu’il a réussi », insiste Stéphane Sapin, enseignant d’EPS au collège Pierre-Sémard. Les professeurs tiennent aussi à nuancer le sens de ce résultat exprimé en valeur ajoutée. « Même si on obtient de meilleurs résultats que d’autres collèges REP, on a toujours beaucoup d’élèves en difficulté », insiste Alix Duval, qui enseigne les mathématiques dans l’établissement.
« Les élèves se sentent bien »
Une fois ces précautions posées, chacun égrène les éléments qui font, selon lui, la réussite. Un établissement « propre »où règne le « respect mutuel », indiquent la principale du collège Pierre-Sémard, Gina Paspire, et son adjoint, Pierre Le Charpentier, ainsi qu’un « goût du travail en commun », d’ailleurs palpable dans cette équipe de direction. A un kilomètre de là, le collège Aretha-Franklin, inauguré en 2019, se prévaut de la même atmosphère « accueillante ». « En Seine-Saint-Denis, les locaux sont parfois vieillissants et cela joue énormément. Ici, les élèves se sentent bien », observe le principal, Karim Benhadria.
Côté enseignants, on met d’abord en avant les différents dispositifs de remédiation et d’accompagnement : des heures en petits groupes en français et en mathématiques ont cours dans les deux établissements. Mais aussi la possibilité d’avoir accès à du soutien scolaire, ou de participer au dispositif Devoirs faits – sur lequel les avis sont néanmoins mitigés, car les compétences de l’enseignant présent n’ont parfois pas beaucoup de rapport avec le travail à faire, quand les élèves n’oublient tout bonnement pas leurs affaires.
Stéphane Sapin, l’enseignant d’EPS, insiste sur un point : bien que non évaluée au brevet, l’EPS fait beaucoup pour le bien-être des élèves et pour leur épanouissement. Son confrère du collège Aretha-Franklin, Zahir Belaïd, ne lui donnerait pas tort. Tout en surveillant une séance d’accrosport avec ses 3e, il explique au Monde comment les enseignants d’EPS organisent, à chaque rentrée, une « journée d’intégration » sur le thème du sport, pour les 6e. « Cela joue énormément sur la cohésion de groupe », insiste-t-il. Un détail qui compte dans ce collège intercommunal accueillant des élèves de Drancy, Bobigny et La Courneuve où les « tensions entre les élèves des différentes cités » peuvent être à craindre.
Ne « rien laisser passer »
Car c’est l’autre point commun de ces deux collèges à l’atmosphère « apaisée », loin des clichés sur les établissements de quartiers populaires. « Cette année, j’ai eu quatre conseils de discipline, ce qui est plutôt faible dans un établissement REP », se félicite le principal Karim Benhadria, qui précise que la présence dans les locaux d’un médiateur scolaire fait beaucoup pour apaiser d’éventuelles tensions.
Sur le plan disciplinaire, la CPE, Lucile Dalibon, indique elle aussi ne « rien laisser passer », y compris sur l’absentéisme, parfois prélude au décrochage. « J’ai mes petites astuces, s’amuse-t-elle. Quand je fais venir un élève, je lui demande d’appeler ses parents. Si c’est lui qui appelle, je sais qu’ils vont décrocher. J’ai alors une petite chance d’arriver à les convaincre de venir pour qu’on puisse se parler. »
Mais dans des établissements au niveau « très hétérogène », tout ne se résume pas à la gestion de la grande difficulté sociale. Au collège Pierre-Sémard, on insiste sur l’idée de « tenir les deux bouts » de l’éducation prioritaire : les enfants en difficulté, mais aussi ceux qui réussissent bien, « et à qui il faut proposer les mêmes choses que s’ils étaient dans un collège privilégié », appuie Alix Duval.
« Nous avons beaucoup d’excellents élèves », confirme Gina Paspire, la principale, qui ajoute que l’un de ses 3e vient d’être admis en 2de au lycée Henri-IV, à Paris. Praise, élève de 3e, vise une 2de générale au lycée Eugène-Delacroix de Drancy, l’année prochaine. Elle a pu participer, il y a quelques jours, à des « entretiens d’excellence » au cours desquels les trente-cinq meilleurs élèves de 3e ont rencontré des représentants de différents métiers. « Ça m’a complètement boostée, témoigne la jeune fille. Ici, ça marche parce qu’on est encadrés, parce qu’on est suivis par des profs qui ne nous lâchent pas. »
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