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mardi 2 août 2022

Pandémie Deux ans d’état d’urgence sanitaire : Macron en médecin chef de l’Etat et libertés publiques suspendues


 


par Sacha Nelken   publié le 31 juillet 2022

Après un rare consensus au début de l’année 2020, les oppositions ont multiplié les attaques sur la gestion du Covid, accusant le pouvoir de prendre des mesures liberticides sans passer par la case Parlement. 

Deux longues années et puis s’en va… A partir de ce lundi, la France n’est plus sous état d’urgence sanitaire lié au Covid-19. Après de longs débats et quelques beignes pour la majorité macroniste désormais relative, le Parlement a entériné la fin des mesures d’exception pour lutter contre un virus qui rôde pourtant toujours. Exit couvre-feu, confinements et pass sanitaire. Retour sur deux années de gestion d’une crise inédite qui a alimenté le débat politique et nourri les critiques de l’opposition.

12 mars 2020, les contaminations par un étrange coronavirus venu de Chine se comptent désormais par milliers. Dans une allocution télévisée au ton martial et à la stupeur générale, Emmanuel Macron annonce un confinement généralisé du pays pour tenter de contenir l’épidémie. La mesure prendra effet le lundi suivant et «jusqu’à nouvel ordre». Le premier tour des élections municipales est maintenu mais les écoles, crèches et universités ferment. «Nous sommes en guerre», répète le chef de l’Etat à six reprises pour appeler les Français à la «mobilisation générale» contre cet ennemi dont on ne sait encore pas grand-chose. Mais cela ne suffit pas et le gouvernement doit décréter l’état d’urgence sanitaire.

Rare consensus

Ce dispositif permet de prendre des mesures exceptionnelles pour lutter contre l’épidémie et limiter ses effets sur l’économie. Le Premier ministre, Edouard Philippe, se voit attribuer des pouvoirs élargis, comme des mesures de réquisition de biens et services nécessaires ou de contrôle temporaire des prix. Déclaré par décret en conseil des ministres pour une durée maximale d’un mois, l’état d’urgence doit, pour être prolongé, être autorisé par la loi et donc débattu et voté par le Parlement.

Le texte arrive dans l’hémicycle de l’Assemblée le 21 mars, pour un examen express. Compte tenu du caractère exceptionnel du moment, le coronavirus restant une menace méconnue, les députés approuvent l’état d’urgence pour deux mois dans un rare consensuset dans un Palais-Bourbon désert, confinement oblige. «L’heure est grave», justifient les députés de presque tous bords. Sur les 575 parlementaires prenant part au vote, 510 valident le texte gouvernemental, 28 s’abstiennent et 37 votent contre.

C’est notamment le cas des communistes et des insoumis. Pour les deux groupes de gauche, l’état d’urgence sanitaire voulu par le gouvernement équivaut à une réduction des libertés publiques. «Il s’agit d’un nouvel état d’exception contre les libertés démocratiques, écrit alors Jean-Luc Mélenchon sur son blog. Le gouvernement peut restreindre et suspendre les droits individuels élémentaires sans contrôle du Parlement. Comme si la délibération, le débat contradictoire sous les yeux du peuple étaient des luxes qu’on ne pouvait plus se permettre.»

L’assemblée nationale, un «théâtre d’ombres»

Favorables au départ à cet état d’urgence sanitaire, les Républicains se montrent moins conciliants quand, deux mois plus tard, les parlementaires sont invités à proroger le dispositif. A l’instar des élus PCF et LFI – qui n’ont pas bougé d’un iota –, députés et sénateurs de droite commencent à parler des libertés individuelles. Dans leur collimateur, un article créant un fichier d’informations géré par l’Assurance maladie pour identifier les personnes qui ont été en contact avec des personnes contaminées et permettant de conserver ces données un an. Au terme d’âpres débats parlementaires, ce délai est réduit à trois mois. Mai marque la fin de «l’union nationale» de mars.

Les insoumis continuent leur bras de fer avec la majorité, accusant le chef de l’Etat de «mettre en parenthèse la démocratie». Les sénateurs LR rejoignent le mouvement et pilonnent aussi la méthode de l’exécutif. «Nous ne voulons pas donner les pleins pouvoirs au gouvernement pendant huit mois et demi pour la lutte contre le Covid. Nous ne le ferions pour aucun gouvernement», cingle le sénateur Philippe Bas en octobre 2021. L’expérimenté parlementaire demande que «la représentation nationale, et pas seulement l’exécutif, puisse apprécier si la situation sanitaire justifie pleinement de reconduire» des outils de restrictions des libertés.

C’est sans doute la principale critique faite à Emmanuel Macron et son gouvernement durant la crise. Le chef de l’Etat aurait eu une gestion trop verticale de la pandémie, se lavant les mains de ce que peuvent dire les oppositions et les scientifiques. «Je crois que jamais sous la Ve République l’Assemblée nationale n’a été autant un théâtre d’ombres. Car au final à quoi servent nos débats ? A rien», tonnera le député UDI du Loir-et-Cher Pascal Brindeau lors de débats de janvier 2021. Le ministre de la Santé d’alors, Olivier Véran, balaie les critiques en accusant les oppositions «d’outrance permanente». On a connu mieux pour apaiser.

«Démocratie mise sous cloche»

Les différents partis de gauche se retrouvent tous sur un point : dézinguer les conseils de défense sanitaire, ces réunions à l’Elysée en petit comité, protégées par le secret-défense et symboles à leurs yeux de l’opacité des décisions présidentielles et du contournement du Parlement. Le patron des socialistes Olivier Faure résume en décembre 2020 : «Il y a une manière de plus en plus personnelle d’exercer le pouvoir, de mépriser les corps intermédiaires, de contourner le Parlement. Avec la crise sanitaire, le Président décide seul dans le bunker du Conseil de défense. Notre démocratie ne peut pas être ainsi mise sous cloche !» En deux ans de crise, près de 80 conseils de défense sanitaires se sont tenus à l’Elysée. «Pourquoi une invention pareille a fini par se substituer quasiment à tous les organes constitutionnels de prise de décision», questionnera Jean-Luc Mélenchon.

En mars 2021, les critiques prennent une autre ampleur quand l’entourage du chef de l’Etat le présente comme une éminence de l’épidémie dans un article du Monde«Il consulte toutes les études, dès qu’elles sont publiées. Au point que, parfois, le Président peut en évoquer une que les experts en face de lui n’ont même pas lue»,affirme un participant des fameux conseils de défense. Jamais à court d’éloge, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer abonde : «Le Président a acquis une vraie expertise sur les sujets sanitairesCe n’est pas un sujet inaccessible pour une intelligence comme la sienne». Ou comment tenter de justifier que Macron s’affranchisse désormais des avis des scientifiques. D’ailleurs, au printemps 2020, n’a-t-il pas annoncé la réouverture des écoles pour le mois de mai alors que les spécialistes conseillaient d’attendre septembre ? Les communistes ironiseront : «On a déjà le nom du Nobel 2021 de médecine».


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