Alban Elkaïm — Édité par Yann Guillou — 22 avril 2022
À l'époque, on corrigeait les élèves à coups de règle. «Le prof a voulu me punir. J'ai ouvert mon compas… “Si t'approches, j'te plante!”» Javi a 9 ans. Mais il a déjà le coup de poing facile. Nous sommes au début des années 1970, dans le quartier populaire de Triana, à Séville, dans le sud de l'Espagne. «Dans un quartier comme le mien, cela ne semblait pas anormal. On me voyait juste comme un enfant un peu plus en colère et bagarreur que les autres.» A-t-on seulement songé qu'il avait peut-être des problèmes de santé mentale ?
Aujourd'hui, une vague de suicides sans précédent chez nos voisins espagnols a braqué les projecteurs sur la question, après deux ans de pandémie et de distanciation sociale. Et le gouvernement a décidé de s'attaquer à cet angle mort d'un débat public encore balbutiant sur la santé mentale: «63% des personnes dont le salaire ne couvre pas les besoins de base déclarent que leur santé a empiré par rapport au début de la pandémie. 14% de plus que pour celles dont les revenus étaient suffisants», rappelait Yolanda Díaz, ministre du Travail et de l'Économie sociale, durant l'acte de présentation d'une commission ministérielle chargée d'évaluer l'impact de la précarité de l'emploi sur la santé mentale.
Car tout le monde n'est pas égal face à la souffrance psychologique. «Les personnes aux revenus les plus bas ont entre 1,5 et 3 fois plus de risque de souffrir de dépression, d'anxiété ou de problèmes de santé mentale communs que les personnes les plus riches», assure une étude publiée en décembre 2020 dans la revue scientifique Science. «Les inégalités économiques sont un déterminant fondamental. Comme les inégalités de genre, territoriales, raciales ou liées à l'âge», tranche Nel González Zapico, vice-président de la Confédération santé mentale Espagne.
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