par Léa Masseguin publié le 10 mars 2022
A seulement 11 ans, Hassan a parcouru plus de 1 000 kilomètres, seul, pour rejoindre la Slovaquie. Lorsqu’il a franchi la frontière, le garçon n’avait qu’un petit sac, un passeport et un numéro de téléphone griffonné au stylo sur la main gauche. Sa mère, Yulia, a précisé dans une vidéo adressée aux autorités slovaques, dimanche, avoir mis son enfant dans un train à Zaporijia (sud), près de la centrale nucléaire bombardée par l’armée russe, dans l’espoir qu’il rejoigne Bratislava. Les traits tirés, cette veuve a expliqué qu’elle ne pouvait pas laisser sa mère en Ukraine, malade et très âgée. Grâce au numéro de téléphone, Hassan, que les autorités slovaques ont qualifié de «héros», a pu rejoindre ses proches à Bratislava.
Régime de protection temporaire
Qu’elles soient entassées dans des gares ou en file indienne près des frontières, près de neuf personnes sur dix qui fuient les combats en Ukraine sont des femmes et des enfants. Depuis l’instauration de la mobilisation générale, les hommes de 18 à 60 ans – hormis ceux qui souffrent de problèmes de santé, les députés ou les pères de plus de trois enfants – doivent prendre les armes pour défendre leur pays. Et sont systématiquement refoulés aux frontières. Sur les réseaux sociaux, des clichés montrent des hommes embrasser leur fils ou leur fille, peut-être pour la dernière fois.
«En quarante ans de carrière, je n’ai pratiquement jamais vu une telle prépondérance de femmes, d’enfants, de personnes âgées et de personnes avec des handicaps», a assuré, le 8 mars, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi. Le diplomate a insisté sur la nécessité de prêter une attention particulière aux enfants non accompagnés, les plus exposés au risque d’être victimes de violences, de mauvais traitements ou de trafics. L’Unicef estime que plus d’un million d’enfants ont déjà fui l’Ukraine vers les pays voisins, en Pologne, en Hongrie, en Moldavie, en Roumanie et au-delà, soit environ la moitié du nombre total de réfugiés. Et leur nombre ne cesse d’augmenter.
Cet exode d’enfants exige une prise en charge adéquate de la part des autorités et des organisations humanitaires, qui doivent notamment assurer leur éducation et leur offrir une assistance psychologique. «Des espaces sécurisés, appelés “points bleus”, sont mis en place aux postes frontaliers pour s’assurer que les enfants ne soient pas victimes d’abus», explique à Libération Céline Schmitt, porte-parole du HCR France. Outre le régime inédit de protection temporaire, activé par l’Union européenne pour la première fois depuis 2001, elle décrit les premiers besoins fondamentaux des mineurs réfugiés : «Ces enfants arrivent choqués, traumatisés. Deux semaines plus tôt, ils ne savaient pas qu’ils allaient devoir fuir. Pour certains, la guerre était à côté d’eux. On doit donc assurer un appui en santé mentale.» Selon une source élyséenne, la question de la scolarisation des enfants réfugiés sera au menu des discussions d’un Conseil européen des ministres de l’Education qui se tiendra la semaine prochaine.
Grandes difficultés à partir
A l’intérieur des frontières, l’escalade du conflit et les bombardements incessants menacent la vie des 7,5 millions d’enfants ukrainiens. Au lendemain de la frappe qui a touché la maternité de Marioupol, dans le sud-est, tuant trois personnes, une responsable du parlement ukrainien a indiqué qu’au moins 71 enfants avaient été tués depuis le début de la guerre, le 24 février. Dans cette même ville, assiégée par les Russes, une fillette de 6 ans est morte mardi de déshydratation, selon Kyiv. Deux jours plus tôt, une mère et ses deux enfants, accompagnés d’un ami de la famille, ont été tués par des tirs de mortier alors qu’ils tentaient de fuir les combats autour d’Irpin, près de la capitale.
Près de 100 000 enfants placés dans des institutions (internats, orphelinats, établissements pour handicapés…) n’ont pas encore eu la possibilité de quitter le pays. «Il est indispensable que les parents ou des tuteurs légaux donnent leur autorisation pour une éventuelle évacuation», explique Céline Schmitt. Sur le plan logistique, les 164 000 enfants ukrainiens souffrant de handicap ont aussi de grandes difficultés à partir. «Les transports, comme les structures dans les pays d’accueil, ne sont pas adaptés, explique Fanny Mraz, directrice de la cellule «Urgence» de Handicap International. Déjà qu’il n’est pas évident de faire sortir la population à travers les corridors humanitaires, imaginez comme il sera compliqué d’évacuer les personnes handicapées, surtout des enfants.»
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