par Olivier Monod publié le 11 mars 2022
La pandémie n’est pas terminée mais, après deux ans de crise, les bilans provisoires s’affinent. Ainsi, la mortalité mondiale due au Covid-19 serait trois fois supérieure aux rapports officiels, selon une analyse publiée ce vendredi dans le journal scientifique The Lancet. On ne déplorerait donc pas 5,9 millions de morts entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021, mais bien 18,2 millions. Un comble pour une crise largement suivie et commentée à grand renfort de graphiques, de tableaux et de statistiques. Mais les données sont des colosses aux pieds d’argile, leur fiabilité dépend de la manière dont elles sont produites.
Sept pays représentent la moitié de la surmortalité
L’Asie du Sud, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est sont les zones géographiques où les chercheurs pointent les plus grands écarts entre les statistiques officielles et leurs calculs de mortalité. Sept pays représenteraient plus de la moitié de la surmortalité mondiale causée par la pandémie. Il s’agit de l’Inde (4,1 millions de décès excédentaires), des Etats-Unis (1,1 million), de la Russie (1,1 million), du Mexique (798 000), du Brésil (792 000), de l’Indonésie (736 000) et du Pakistan (664 000).
La France déclare 122 000 décès dus au Covid sur la période, quand les chercheurs comptent 155 000 morts en trop, soit 1,28 fois plus. La question du bon calcul de la mortalité se pose depuis le début de la pandémie. En France, on sait que les morts à leur domicilen’apparaissent dans les statistiques officielles qu’avec plusieurs mois de retard. Dans d’autres pays, c’est l’absence de tests ou d’organe statistique sur la mortalité qui explique les différences.
Pour calculer l’excès de mortalité dans les pays, l’auteur de l’article, Haidong Wang, chercheur à l’université de Washington, a recensé avec son équipe le nombre de morts total des différents pays à travers des bases de données nationales et internationales. Ils ont ensuite comparé ces chiffres à la moyenne de mortalité annuelle des pays les années précédentes.
«Comprendre le véritable nombre de morts de la pandémie est essentiel pour une prise de décision efficace en matière de santé publique», indique Haidong Wang. L’approche n’est pas simple car l’excès de mortalité ne dit rien de la cause des décès. Le problème réside donc dans la détermination des causes des morts en excès.«Des études menées dans plusieurs pays, dont la Suède et les Pays-Bas, suggèrent que le Covid-19 était la cause directe de la majeure partie de l’excès de mortalité, mais nous ne disposons actuellement pas de suffisamment de preuves pour la plupart des endroits»,poursuit le chercheur.
D’autres facteurs rentrent en jeu et doivent être considérés, comme l’évolution du vieillissement de la population, l’impact des événements extraordinaires autres que le Covid ou celui des mesures de confinement sur les causes de mortalité habituelles. Dès avril 2020, le démographe Michel Guillot disait à Libérationque l’observation de la surmortalité devait être vue comme un moyen «d’avoir une idée des effets globaux de la crise». Jusqu’à présent, les différentes estimations convergent pour dire que la mortalité due au Covid-19 serait deux à quatre fois supérieure à celle affichée par les chiffres officiels.
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