Par Virginie Larousse Publié le 15 janvier 2021
Dans son hors-série d’hiver, la revue « Socialter » appelle à réenchanter l’écologie et à transformer radicalement nos relations avec les « autres-qu’humains ».
La revue des revues. Bimestriel qui entend favoriser l’évolution de nos sociétés vers plus de justice et de démocratie, Socialterconsacre son dernier hors-série à la question des relations entre l’homme et « les autres-qu’humains », à savoir l’ensemble des vivants qui habitent et donnent vie à la planète – des microbes aux plantes ou aux animaux.
Si l’écologie s’avère souvent être un sujet clivant, « il ne s’agit pas d’en appeler au grand soir, à la révolution, mais à quelque chose de plus bruissant et de plus drôle », explique le philosophe Baptiste Morizot, rédacteur en chef invité de ce numéro. Et de proposer une « écologie joyeuse, au sens spinoziste, désirable, qui accepte de regarder en face qu’il y a des raisons de lutter, non pas seulement contre un “système”, mais pour quelque chose, pour le vivant ».
Dans la continuité des travaux de Bruno Latour, de Philippe Descola et d’Isabelle Stengers, les contributeurs du hors-série invitent à cesser de considérer le vivant comme un stock de ressources sur lequel l’homme régnerait en maître, alors qu’il n’est que « membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté », relevait déjà le forestier Aldo Leopold dans les années 1940.
« Politiser l’émerveillement »
Pour en finir avec cette gestion utilitariste du monde, il convient de retrouver notre capacité d’« émerveillement » devant l’inventivité extraordinaire des espèces qui nous entourent, la crise écologique étant avant tout « une crise de la sensibilité » et une « crise éthique ». Pour autant, il ne s’agit pas d’en rester à la contemplation béate des merveilles de la nature – bien que ces 196 pages présentent de manière fort poétique, entre autres pépites, la notion de « timidité des cimes » ou le fonctionnement d’étranges bactéries ayant le pouvoir de faire tomber la pluie.
Car il faut surtout, indique Baptiste Morizot, « politiser l’émerveillement » et engager le combat contre tout ce qui détruit le tissu du vivant. « La nécessité de défendre le vivant n’est pas quelque chose dont on débat mais qu’il faut vivre ; non pas une pensée abstraite, mais une pratique », soulignent les militants zadistes Isabelle Fremeaux et John Jordan.
Une pratique d’autant plus salvatrice que, à l’heure où toutes les actions semblent vaines, la lutte permet justement de se sentir vivant, de retrouver sa « puissance d’agir » ou son « agentivité » – notion explicitée par la philosophe des sciences Vinciane Despret.
Contrairement à une idée reçue, ce combat n’a pas pour objet de « protéger la nature » – expression jugée paternaliste – ou la vie. Cette dernière « n’est pas en danger, relève en effet Marie-Sarah Adenis, cofondatrice de l’entreprise de biotechnologie PILI. Elle ne l’a jamais été, pas même dans les périodes d’extinction massive. Ce sont les vivants qui sont en danger. Et la vie telle que nous la connaissons qui est gravement en péril ». Par conséquent, la nôtre.
Socialter, hors-série n° 9, décembre 2020-février 2021. « Renouer avec le vivant », 196 pages, 19 euros.
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