Serge Cannasse 11 nov. 2019
Une des raisons invoquées pour expliquer l’engorgement des urgences hospitalières est la fréquence des passages inappropriés, qui représenteraient entre 20 et 40% de l’ensemble des consultations. En retenant trois définitions différentes, une équipe de médecins français a trouvé que la fréquence du recours inapproprié était comprise entre 13,5 et 27,4%, dans un travail publié par le British Medical Journal Quality and Safety . La vulnérabilité sociale apparaissait plus déterminante que les caractéristiques géographiques, telles que la densité médicale.
Méthodologie
L’équipe était constituée de médecins de la Société Française de Médecine d’Urgence (SFMU), d’enseignants-chercheurs du service d’accueil des urgences de l’hôpital Saint- Antoine AP-HP, de la faculté de médecine de Sorbonne Université et de l’Université Clermont Auvergne. Elle a recueilli et analysé les réponses à un questionnaire portant sur 48.711 patients reçus dans l’ensemble des services d’urgence de la métropole le 11 juin 2013 (rempli par les responsables des services et les patients) et a exploité les résultats d’un questionnaire adressé aux 734 médecins de ces services.
À ces derniers, elle a proposé trois façons d’évaluer un recours inapproprié. Deux étaient subjectives : (1) déterminer le degré d’adéquation de la demande sur une échelle de 0 à 10, (2) apprécier la possibilité d’un recours éventuel à un généraliste de ville le jour même ou le lendemain. La dernière considérait comme inapproprié tout recours n’ayant donné lieu à aucun examen complémentaire et/ou acte thérapeutique et n’ayant pas occasionné d’hospitalisation.
Résultats
Parmi les 29.407 patients adultes (15 ans ou plus) dont les données étaient exploitables, 13,5 à 27,4% des visites étaient considérées comme inappropriées selon au moins une des méthodes retenues pour les définir comme telles. Seuls 6% des passages l’étaient au regard des trois méthodes à la fois.
La probabilité de passage aux urgences diminuait avec l’âge (plus de 65 ans) et une distance au domicile supérieure à 10 kms. Elle n’était pas associée à la densité médicale, mais celle-ci étant très hétérogène d’un lieu à l’autre, les auteurs restent prudents sur ce critère. Cependant, près de 10% des patients déclaraient avoir eu recours aux urgences faute de trouver un médecin généraliste disponible.
La probabilité de passage n’était pas liée aux caractéristiques de l’établissement de soins (statut privé ou public, nombre de passages annuels, etc). Elle était en revanche assez bien corrélée avec l’absence de sécurité sociale et de couverture complémentaire privée et/ou universelle.
Limites
Les définitions retenues pour un recours inapproprié ne font aucune référence au désarroi ressenti par les patients. De plus, des données manquaient dans certains dossiers, ce qui a pu induire un biais de sélection.
Conclusion
Pour ses auteurs, ce travail montre que le recours aux urgences peut être le seul choix possible d’accès au système de soins pour une partie défavorisée de la population.
Références Disclaimer
Étude des facteurs associés à un recours inapproprié aux urgences. AP-HP. Communiqué de presse, 30 octobre 2019.
Diane Naouri et al. Factors associated with inappropriate use of emergency departments : findings from a cross-sectionnal national study in France. BMJ Quality & Safety Published Online First: 30 October 2019. doi: 10.1136/bmjqs-2019-009396Diane Naouri et al. The French Emergency National Survey: A description of emergency departments and patients in France. Plos One, 14 juin 2018.
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