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mercredi 16 janvier 2019

Bioéthique : les députés veulent en finir avec les interdits

Par Eric Favereau — 



Lors de la Gay Pride de 2013 à Paris.
Lors de la Gay Pride de 2013 à Paris. Photo Lionel Bonaventure. AFP

Dans le rapport de la mission parlementaire sur la bioéthique présenté ce mardi matin, les députés souhaitent l'arrivée d'une bioéthique ouverte, autorisant entre autres la PMA aux couples lesbiens comme aux femme seules.

PMA pour toutes les femmes, levée de l’anonymat des donneurs de sperme, tests génétiques facilités, assouplissement des recherches sur l’embryon, etc. C’est une vraie révolution qui est proposée en matière de bioéthique. Et le député Jean-Louis Touraine (LREM) ne manque pas de qualificatifs pour décrire le rapport de la mission parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique qu’il a présenté ce mardi matin, avec ses 60 recommandations. «Ce sera la modification la plus importante depuis le début de la bioéthique», a-t-il ainsi lâché en préambule, avant d’expliquer les raisons de cette évolution tous azimuts : «Beaucoup de sujets sont arrivés à maturité. Il ne fallait être ni trop frileux, en se retranchant derrière des interdits, ni trop téméraire, en laissant faire les choses.» Reconnaissons que c’est l’audace qui a prévalu, la mission ouvrant la porte à quasiment toutes les nouvelles pratiques, se bornant juste à interdire la GPA (grossesse pour autrui).

Déclaration de la filiation

«Aujourd’hui, il ne s’agit plus de choisir entre un bien et un mal, car il n’y a plus de vérité unique, a analysé son rapporteur. Tous les acteurs sont animés par le désir du bien.» A la suite des états généraux qui se sont tenus de janvier à mai 2018, le Comité national d’éthique avait certes déjà proposé un sérieux dépoussiérage, mais la mission parlementaire va bien plus loin. Ainsi sur la PMA, l’ouverture est presque totale. Il s’agit de la rendre accessible aux couples lesbiens mais aussi aux femmes seules, avec le remboursement de l’assurance maladie. De plus, «dans l’hypothèse où l’accès à la PMA serait étendu aux couples de femmes», la mission veut «instaurer un mode unique d’établissement de la filiation à l’égard des enfants nés de tous les couples bénéficiaires d’un don de gamètes, fondé sur une déclaration commune anticipée de filiation».
Très concrètement, au moment de la déclaration de naissance, ils devraient transmettre à l’officier d’état civil une «déclaration commune anticipée» rédigée devant notaire avant la PMA. Un changement qui serait spectaculaire : le fait d’être né par PMA sera de plus inscrit sur l’état civil de l’enfant. Une solution qui «fait perdre aux couples hétérosexuels la possibilité de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception». La mission souhaite permettre aussi «la reconnaissance de la filiation pour les enfants issus d’une GPA pratiquée à l’étranger dès lors qu’elle a été légalement établie».
Toujours en matière de fécondations artificielles, il y a aussi la recommandation d’autoriser l’autoconservation ovocytaire (pour les femmes qui veulent préserver leurs ovocytes), et la fin de l’interdiction de la procréation post-mortem, «qu’il s’agisse de l’insémination ou du transfert d’embryon».

Tests et diagnostics génétiques largement ouverts à tous

Sur le volet des recherches sur l’embryon, c’est le même vent de libéralisme qui souffle. La mission recommande ainsi une ouverture quasi totale, d’abord sur la recherche sur les embryons surnuméraires. Elle propose également «d’autoriser les recherches sur les cellules germinales, portant sur les embryons qui ne feront jamais l’objet de transfert» et suggère «la levée de l’interdit portant sur la création d’embryons transgéniques afin de favoriser la recherche scientifique».
Dans la même veine, sur la question des tests génétiques, le rapport parlementaire se montre partisan d’un dépistage préconceptionnel très large (et non plus réservé à la recherche de quelques maladies graves). Elle propose aussi d’étendre fortement les possibilités de diagnostic préimplantatoire.
Autre volet attendu, celui des dons d’organes, d’autant que l’année 2018 a vu le nombre de dons diminuer assez sensiblement. La mission recommande d’ouvrir fortement la voie aux dons effectués à partir de donneurs vivants. Ainsi, un «don altruiste» serait permis en faveur d’un inconnu, et cela de façon anonyme, alors qu’aujourd’hui on ne peut donner un organe (en particulier un rein ou une partie du foie) que pour un proche. En outre, la mission préconise la levée de l’anonymat des donneurs de sperme. «Les enfants conçus par PMA pourraient connaître l’identité du donneur sur simple demande, dès leurs 18 ans, pour tous les dons effectués après l’entrée en vigueur de la loi. Pour les dons précédant la loi, l’accord du donneur serait obligatoire».
Enfin, sur la médecine de demain, le rapport succombe au charme de l’intelligence artificielle, insistant néanmoins sur le nécessaire consentement du patient d’un côté et de l’autre sur la protection des médecins, à l’heure où des algorithmes risquent de prendre des décisions à leur place. Le rapport suggère même de créer une sorte de Comité national d’éthique bis pour traiter exclusivement de ces questions.

Débat au printemps ?

Bref, c’est un vrai bouleversement que propose la mission parlementaire. Reste que ces recommandations sont purement indicatives, et au sein même de la mission, ne font pas toutes l’unanimité. Pour autant, leur tonalité indique la présence d’un vent plus libéral qui règne désormais sur ces questions dans cette assemblée rajeunie et beaucoup plus féminisée.
Que va-t-il dès lors se passer ? Initialement prévue au Parlement avant fin 2018, la révision de la loi de bioéthique traîne. Elle a été repoussée en raison, selon l’exécutif, de l’encombrement du calendrier parlementaire. Un projet de loi doit être présenté en Conseil des ministres puis être examiné au Parlement avant l’été. A moins que d’autres urgences ne surviennent…

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