Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, 7 à 10 % des médecins choisissaient de se spécialiser en psychiatrie aux États-Unis, mais cette proportion décline (inexorablement ?) depuis les années 1970, pour atteindre désormais 3 à 5,5 %. Des « efforts ciblés » sont donc nécessaires pour accroître le nombre d’étudiants tentés par l’exercice de la psychiatrie, au pays de l’Oncle Sam. Mais jusqu’à présent, peu d’informations étaient disponibles sur les facteurs pesant sur ce choix de la spécialité.
Réalisée par le Département de Psychiatrie de la Faculté de Médecine de Yale, à New Haven (Connecticut) et celui de Bio-statistiques et Psychiatrie de l’Université d’Arkansas (à Little Rock), sous la forme de questionnaires renseignés par des étudiants au début (Matriculating Student Questionnaire) puis à la fin (Medical Student Questionnaire) de leurs études médicales, une enquête auprès de 29 713 étudiants vise à préciser ces critères de choix. L’intention est bien sûr d’exploiter les résultats de cette enquête pour inciter de nouvelles « recrues » à poursuivre une carrière en psychiatrie, car cette baisse de l’offre aux États-Unis contraste avec la constance (voire la hausse) de la demande de soins.
Psychiatre ou…urologue
Contrairement à ce qu’on pourrait croire a priori, le pourcentage des étudiants tentés par la psychiatrie ne faiblit pas au fil des années passées à l’université, augmentant au contraire de 1,6 % à 4,1 % entre le début et la fin du cursus médical. Mais le problème, c’est que malgré cette multiplication par 2,5 des « candidatures », le point de départ demeure très bas. Autre fait notable : « plus de 80 % des étudiants indiquant choisir la psychiatrie à la fin des études (de médecine générale) avaient une autre préférence au début de leur parcours universitaire. » Un « changement de cap » aussi marqué en cours de route n’est observé que pour une seule autre discipline, l’urologie.
Cette enquête met en évidence les trois principaux facteurs susceptibles de stimuler l’attrait pour la psychiatrie, au cours des études médicales : un stage dans cette spécialité jugé « excellent » (Odd ratio = 2,66), ce qui montre implicitement l’importance d’une bonne relation de compagnonnage avec le maître de stage et les aînés côtoyés dans le service ; une formation préalable en sciences humaines (psychologie) ou en littérature (Odds ratio = 2,58), en particulier un bachelor of arts degree (baccalauréat ès arts, correspondant à la série L en France) plutôt qu’un baccalauréat scientifique ; et une «valorisation de l’équilibre » entre vie professionnelle et vie privée (Odds ratio = 2,25). Ce dernier critère laisse présumer que les étudiants perçoivent l’exercice de la psychiatrie comme moins chronophage et croient que les psychiatres seraient moins sollicités que leurs confrères d’une autre spécialité...
Cette étude suggère ainsi des pistes pour agir sur les « facteurs modifiables pouvant augmenter le pourcentage des étudiants » se dirigeant vers une carrière de psychiatrie. Il faut ainsi revaloriser la qualité pédagogique des stages proposés dans cette discipline et, ce qui s’apparente par contre à une gageure illusoire (au moins en France où le couperet implacable de la PACES élimine tous les « non matheux »), permettre à des étudiants au parcours plus « littéraire » de suivre des études médicales...
Dr Alain Cohen
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