La sociologue américaine Arlie R. Hochschild a étudié la façon dont on occulte nos émotions au boulot. Récemment traduit, son ouvrage résonne alors que dans l’économie de service, garder la face est une exigence professionnelle.
Image issue de la série «Pan Am Flies Again»,
de Mike Kelley.Photo Mike Kelley .
Atlanta, début des années 80. Au quartier général de la compagnie Delta Airlines, un pilote instructeur se tient face à une dizaine de nouvelles recrues. «Mesdames, votre sourire est votre plus gros atout. Souriez comme si vous étiez vraiment heureuses.» Arlie R. Hochschild est assise au cinquième rang et observe. Depuis des mois déjà, la sociologue américaine mène des entretiens avec les hôtesses de l’air, suit leur recrutement, voyage dans les airs en leur compagnie. «J’avais une idée assez précise des sentiments que ce sourire pouvait cacher : l’anxiété, la peur, l’ennui, la rancœur», expliquera-t-elle à ses lecteurs dans une note éditée en 2012. «C’est cette demande d’authenticité formulée par le pilote qui m’a conduite à griffonner "travail émotionnel" sur mon cahier.» Voilà pour l’anecdote. Quelques mois plus tard, la chercheuse de l’université de Berkeley rédige The Managed Heart : The Commercialization of Human Feeling (The University of California Press), qui décrit - entre autres - l’émergence des emplois de service et formule une nouvelle théorie : « Ces nouveaux emplois requièrent des travailleurs de faire du travail émotionnel, c’est-à-dire de déclencher ou refouler une émotion dans le but de maintenir extérieurement l’apparence attendue par le public et/ou leur employeur.»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire