| 18.06.2017
La mort par auto-asphyxie, c'est-à-dire par simple suspension volontaire de la respiration, n'est théoriquement pas impossible à condition de déployer une singulière dose d'énergie et bien que je ne connaisse aucun fait de ce genre dans la littérature médicale, même psychiatrique ; mais, pratiquement, je crois le nœud vital doué d'une énergie trop considérable pour ne pas résister aux inhibitions volontaires, même les plus impérieuses. J'en juge par le fait suivant que j'ai observé dans mon service de Ville-Evrard ; il s'agit d'un de ces cas de mélancolie anxieuse où le suicide s'accomplit en vertu d'une volonté parfois stupéfiante.
Pendant huit jours, j'ai pu voir le malade en question que l'on gardait nuit et jour pour éviter un accident, recourir à l'auto-asphyxie pour satisfaire son besoin morbide de mourir. Je n'ai jamais vu de tableau plus dramatique, qui tenait tout le service en haleine, dans l'attente d'un accident inusité contre lequel on se sentait peut-être désarmé. Du matin au soir, le malheureux n'était occupé qu'à suspendre sa respiration et maintes fois on a pu croire que l'asphyxie allait tuer le bulbe. Pour montrer à quel point le malade y mettait de l'énergie, je dirai qu'au bout de huit jours, le visage était complètement œdématié et marbré par stase veineuse. Bien plus, la peau était piquetée par une infinité de petites hémorragies capillaires, genre d'apoplexie comme on en observe parfois au cours des attaques répétées d'épilepsie.
Malgré ces efforts surhumains et dont on ne saurait contester la suprême violence, le malade a dû céder. Il vit encore. Si j'en juge par l'aspect métamorphosé du malade, tout bouffi et couperosé, ce ne serait pas encore là le genre de mort désiré par les esthètes épris de suicide.
Un autre genre de mort volontaire, analogue au suicide par section de la langue, est le suivant que j'ai observé dans mon service. Il dénote aussi une certaine originalité et une rare force de caractère. Un jeune mélancolique, laissé imprudemment seul par ses gardiens, s'est étendu sur son lit et, à l'aide d'un minuscule morceau de verre, s'est ouvert avec lenteur et très systématiquement l'artère sous-clavière droite dont il connaissait bien l'emplacement.
Il y a dans ce cas de suicide un certain dilettantisme. Le malade, artiste peintre, avait une grande originalité ; il a peut-être voulu se singulariser. Il aurait pu, en effet, étant seul, choisir un genre de mort plus simple, moins douloureux et plus rapide.
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