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dimanche 18 juin 2017

Encore une place pour la psychanalyse ?




The Canadian Journal of Psychiatry ouvre à nouveau un débat qui avait déjà animé les colonnes du British Journal of Psychiatry[1] en 2009 sur la légitimité ou l’incongruité de maintenir la psychanalyse au sein des disciplines gravitant autour de la psychiatrie.
Pour parler sans langue de bois, à notre époque vouée aux neurosciences, aux thérapies brèves et à la médecine fondée sur des preuves (evidence-based medicine), la « psychologie analytique » (psychoanalysis) héritée de Freud et de ses épigones (ou/et dissidents) mérite-t-elle encore sa place, longtemps prioritaire, parmi les méthodes psychothérapeutiques ? Suscitant toujours des polémiques « du pour et du contre », ce débat remonte au moins au philosophe Karl Popper assimilant la psychanalyse à une « pseudo-science », dans la mesure où elle « a produit maintes hypothèses impossibles à réfuter expérimentalement. »

Evoluer vers plus de neurosciences, un défi pour la psychanalyse

S’il est vrai qu’« aucune théorie née voilà une centaine d’années ne saurait se maintenir sans des changements majeurs », l’une des principales raisons du « déclin de la psychanalyse » tient à son « faible enracinement dans l’épreuve des faits » (little empirical support).
Et tous les successeurs de Freud (ayant tenté d’actualiser la psychanalyse à la lumière des connaissances récentes, notamment en neurosciences) sont dans la même ornière que Freud, en rattachant leurs conceptions théoriques à « l’expérience clinique », plutôt qu’à des « données scientifiques probantes et reproductibles. » Faire évoluer leur discipline vers plus de neurosciences semble un défi difficile à relever pour certains psychanalystes : par exemple, un neuropsychologue d’Afrique du Sud, Mark Solms, a fondé le courant de la « neuropsychanalyse » (où il suggère de recourir aux « techniques modernes de neuro-imagerie pour confirmer les théories analytiques », en postulant que « même les expériences subjectives et l’inconscient » sont susceptibles d’être observés en neuro-imagerie »), mais cette proposition ne rencontrerait qu’une « réception mitigée » chez les « psychanalystes traditionnels », peu disposés à « diluer le vin de Freud dans l’eau des neurosciences », selon Joel Paris.

Ne pas « jeter le bébé avec l’eau du bain »

Quoi qu’il en soit, même si la psychanalyse reste sujette à critiques (notamment pour la longueur et le coût des cures classiques, à notre époque valorisant la célérité), il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » en opposant inutilement la psychiatrie à la psychanalyse, explique Paula Ravitz. Car après une période d’une trop grande influence dans le passé, on verse désormais dans le travers contraire : or une influence trop affaiblie de la psychanalyse fait oublier qu’au-delà des théories freudiennes (certes contestables sur plusieurs points), c’est tout le champ des psychothérapies qu’on risque de méconnaître, alors que plusieurs auteurs à l’origine de diverses techniques de psychothérapie « reconnaissent leur dette » aux idées de Freud, la psychanalyse s’apparentant à la mère de toutes les psychothérapies. Or il est admis (notamment par l’Association des Psychiatres Canadiens) que les psychiatres font œuvre utile quand ils parviennent à « intégrer des approches psychologiques et biologiques dans une stratégie térapeutique. »
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
[1] Wolpert L, Fonagy P. There is no place for the psychoanalytic case report in the British Journal of Psychiatry. Br J Psychiatry, 2009;195(6):483-487.
Ravitz P: Contemporary psychiatry, psychoanalysis and psychotherapy. The Canadian Journal of Psychiatry 2017; 62: 304–307. Paris J: Is psychoanalysis still relevant to psychiatry ?. The Canadian Journal of Psychiatry 2017; 62: 308–312.

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