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mardi 23 février 2016

Violence et schizophrénie : « Ce n’est pas moi, c’est mon cerveau »

15/02/2016

Les facteurs de risque de violence chez les patients schizophrènes sont connus : l’impulsivité, le trouble de personnalité antisociale, les co-morbidités addictives… Sur le plan clinique, M. Horn (CHRU de Lille) a rappelé que, parmi les patients délirants, ceux présentant un trouble d’identification des personnes, une « perte de familiarité », sont particulièrement à risque de passages à l’acte hétéro-agressifs. A. Dumais (université de Montréal) a présenté les résultats d’IRM fonctionnelles d’un groupe de patients schizophrènes ayant commis des actes violents, qui mettent en évidence une difficulté de ces sujets à réguler leurs émotions. Enfin, S. Leistedt (Tournai) a présenté une conférence sur l’apport des neurosciences dans l’expertise médicale.

Du cas Whitman à l’IRM

La détermination de la responsabilité pénale est depuis longtemps rentrée dans le champ de la psychiatrie, mais l’apport des « neurosciences » au sens large est relativement récent. A titre d’illustration, on rappellera le cas historique de Charles Whitman en 1966 qui a été tué par la police après avoir assassiné son épouse et abattu 18 passants avec son fusil. Un changement de comportement récent a été rapporté et l’autopsie a retrouvé un glioblastome. Charles Whitman a ainsi été considéré comme irresponsable de ses actes par une commission d’enquête. Les cas comme celui de Whitman dans lesquelles la responsabilité peut être écartée pour des raisons psychiatriques ou neurologiques correspondent à des actes isolés, à opposer aux actes criminels multiples tels que ceux de Ted Bundy, Charles Manson, ou encore Michel Fourniret.
Selon S. Leistedt, ces derniers doivent être associés au diagnostic de psychopathie, entité clinique floue, qu’il détache de la notion plus large des comportements antisociaux. La psychopathie est un syndrome associant une froideur, une inadéquation émotionnelle, ainsi qu’un trouble de l’empathie. Des « marqueurs » sont associés à ce syndrome dans des études d’imagerie : amygdales de plus petite taille (ce qui pourrait être associé à un moindre ressenti émotionnel), cortex pré-frontal plus mince… Cependant l’interprétation de ces données doit faire l’objet d’une grande prudence. Peut-on expliquer les actes criminels par l’imagerie ? La psychopathie est-elle une « maladie » ? Peut-on dire « ce n’est pas moi, c’est mon cerveau ? ».
Les avocats et les magistrats cherchent à favoriser les éléments objectifs dans l’évaluation de la responsabilité pénale. L’état du Massachussets a d’ailleurs mis à disposition du tribunal le matériel permettant la lecture de clichés d’imagerie au cours d’une audience. Mais, bien que les experts doivent connaître ces techniques, la compréhension du fonctionnement cérébral est loin d’être suffisamment aboutie pour que ces données d’IRM permettent d’influencer clairement une expertise d’un individu donné ayant commis un crime ou un délit.
Dr Alexandre Haroche
RÉFÉRENCES
Session « Schizophrénie et violence : données actuelles et controverses » présidée par Pierre Thomas (Lille).
Horn M : Schizophrénie et violence : la nécessité de considérer différents sous groupes.
Dumais A : Schizophrénie et violence : rôle de l’impulsivité, étude en imagerie fonctionnelle.
Leistedt S : Le cerveau à la barre : apport des nouvelles technologies dans l’expertise psychiatrique.
7ème Congrès français de psychiatrie (Lille) : 25 - 28 novembre 2015.

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