Recomposées, adoptantes, pluriparentales, monoparentales, homoparentales. N’en déplaise aux adversaires du mariage pour tous, nombre de familles détonnent avec le modèle traditionnel qu’ils défendent – un papa, une maman, des enfants, et tout ce petit monde qui avance uni dans la vie. Avec le développement des inséminations avec donneur, anonyme ou non, et de la gestation pour autrui (GPA), l’arbre généalogique, déjà bouturé par les divorces et remariages, gagne de nouvelles branches.
Psychiatre et psychanalyste, responsable de l’unité de thérapie familiale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, Serge Hefez est le témoin des secousses, doutes et interrogations qui accompagnent parfois ces tribus en construction. Dans son nouvel essai, il livre son analyse de spécialiste sur les mutations actuelles. Et appelle la société à les accepter « sans peurs », à « remplacer des choix trop souvent binaires par des choix plus ouverts ».
Illustré de cas puisés parmi ses patients, son ouvrage propose des pistes pour réussir à bien vivre ensemble au sein de ces nouvelles cellules « où les nouvelles technologies de la reproduction font intervenir plus d’un homme et plus d’une femme dans l’engendrement ou la gestation d’un enfant ». Ce que le psychanalyste traduit en termes géométriques : aux liens« verticaux » de la filiation traditionnelle se juxtaposent désormais les liens « horizontaux » qui unissent des individus à un moment donné de leur vie amoureuse. La famille d’aujourd’hui se situant « à la croisée de ces deux axes : dans une continuité généalogique et en constante transformation ».
Terreau de la psychanalyse
A ceux qui crient à la décadence, l’auteur du Nouvel Ordre sexuel (Kero, 2012) rappelle que les familles d’autrefois, « avec leurs pères tout-puissants, leurs femmes soumises et leurs enfants au garde-à-vous », ont été le terreau de la psychanalyse au début du XXe siècle. Mais il souligne aussi que les formules familiales évolutives ne sont pas sans poser de nombreuses questions. Pas facile, dit-il, « d’inventer au jour le jour des règles de vie qui ne sont plus dictées par une tradition millénaire ordonnant une complémentarité “naturelle” des pères et des mères ». Autrement dit, on ne se demande plus seulement qui va garder les enfants,« mais encore qui va les engueuler, les consoler, leur apprendre à jouer au foot, les câliner ».
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Et quelle place offrir aux intermédiaires anonymes, ces « fantômes » que sont les donneurs de sperme ou d’ovule ou les mères gestatrices pour autrui ? A cet effet, la réponse de Serge Hefez est sans détour : il faut que ceux qui le souhaitent aient accès à « leur cartographie d’origine ». « Plus ces fantômes sont nommables, identifiables, repérables, moins il est difficile de les désactiver ou de les incorporer, au moins en partageant des histoires et des fantaisies autour de leur existence », insiste-t-il. Et de se féliciter, en conclusion, qu’en dépit des tensions et de ses formes la famille reste la valeur numéro 1 mise en avant dans les sondages par les jeunes générations.
La Fabrique de la famille, de Serge Hefez (Kero, 248 p
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