L’étude du génome de Neandertal a montré qu’une partie de l’humanité actuelle porte de l’ADN légué par ce cousin disparu – entre 1 % et 6 % dans les populations non africaines. Après sa sortie d’Afrique, il y a 125 000 à 60 000 ans, Homo sapiens a rencontré les néandertaliens, qui vivaient en Eurasie depuis déjà 200 000 ans, et des unions sont alors intervenues entre individus des deux espèces, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur ? Peut-être une adaptation aux agents pathogènes auxquels les néandertaliens étaient confrontés depuis longtemps en Europe. Le pire ? Cette capacité de réaction immunitaire rendrait ses bénéficiaires plus susceptibles de développer des allergies.
Ces hypothèses sont développées dans deux études parues le 7 janvier dans l’American Journal of Human Genetics. La première, dirigée par Lluis Quintana-Murci (Institut Pasteur), a consisté à comparer, dans la base publique du « 1 000 Genomes Project », quelque 1 500 gènes impliqués dans l’immunité innée, notre première ligne de défense contre les agents pathogènes. Pourquoi s’intéresser à ces gènes en particulier ? « Parce que les maladies infectieuses ont été la cause majeure de la mortalité jusqu’au XXe siècle, et donc la principale force de sélection naturelle chez l’homme », répond Lluis Quintana-Murci. Cette vaste comparaison suggère que des adaptations majeures de ces gènes sont survenues il y a 6 000 à 13 000 ans, au moment où l’humanité inventait l’agriculture. « La cohabitation avec les animaux, la proximité des ordures offraient un cocktail parfait pour une nouvelle pression de sélection exercée par les pathogènes », poursuit le chercheur.
Des gènes face aux intrus
La comparaison avec des génomes anciens, dont ceux de néandertaliens, a fait aussi émerger un groupe de gènes, TLR 1, 6 et 10, très présents chez les Européens et les Asiatiques. Ce même groupe a aussi été repéré, de façon indépendante, par une équipe de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire de Leipzig (Allemagne). Ils permettent à des récepteurs situés à la surface de cellules de détecter la présence d’intrus (bactéries, champignons, parasites) et d’y réagir.
Janet Kelso et ses collègues recherchaient des gènes des populations humaines actuelles présentant le plus de similarité avec ceux d’humains archaïques, comme les néandertaliens ou les dénisoviens, qui vivaient en Sibérie il y a encore 50 000 ans. L’équipe est tombée sur le même trio de gènes TLR. Deux de ces variants sont proches de ceux retrouvés dans le génome des néandertaliens, le troisième est proche de celui des occupants de la grotte de Denisova, en Sibérie.
« Il va falloir déterminer ce que la conservation de ces gènes implique dans notre capacité à résister aux agents pathogènes », indique Lluis Quintana-Murci, qui reste prudent sur leur impact fonctionnel. Ses confrères de Leipzig soulignent de leur côté que, chez les porteurs de la version archaïque de ces gènes TLR, on observe une moindre infection par la bactérieHelicobacter pylori, responsable d’ulcères pouvant évoluer en cancers. Mais aussi une plus grande propension à développer des allergies. Résultat d’un compromis entre forte réactivité aux microbes et hypersensibilité à l’environnement, aujourd’hui plus aseptisé ?
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