LE MONDE | | Par Francis Kessler (Maître de conférences à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne)
Mettre un terme au harcèlement moral en entreprise relève de la responsabilité de l’employeur. Il existe même une procédure de médiation ad hoc pour agir dans les plus brefs délais. Pourtant, le sujet est aujourd’hui souvent abordé devant les conseils de prud’hommes.
Selon le code du travail, le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’employeur est responsable de l’intégrité personnelle du salarié, même en l’absence de faute de sa part, des faits de harcèlement commis sur un salarié par un autre salarié, y compris par un représentant du personnel, dans l’exercice de son mandat.
Il n’existe pas de liste légale descriptive des comportements prohibés. La preuve du harcèlement moral est, dès lors, centrale. Le législateur a créé des règles probatoires particulières : il suffit, dans un premier temps, que le salarié concerné établisse des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Prouver les agissements
Il a été jugé récemment que le harcèlement moral est présumé lorsque, d’une part, les attestations produites par des collègues décrivent le salarié comme débordé par ses tâches et dépressif, que sur les 48,5 jours de congés payés auxquels il a droit, il n’a pris que 4,5 jours, et, d’autre part, que le salarié soutient que les exigences de son employeur, qui lui a confié des missions excédant son niveau de compétence et d’expérience, l’ont mené à un épuisement, puis à un grave état dépressif.
L’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 juin 2015 nous apprend ainsi que ni les seuls propos ou faits relatés par la victime ni les certificats médicaux produits par celle-ci (liant son état de santé à un harcèlement moral au travail) sont suffisants, en l’absence d’allégation d’agissements concrets.
Ces agissements peuvent être des actions, telle une surveillance tatillonne et inutile, la privation de travail ou l’affectation à des tâches inutiles, voire humiliantes, un dénigrement systématique de la personne et/ou de son travail, des accusations mensongères, des menaces, une mise en perpétuelle concurrence des salariés en vue d’atteindre des objectifs.
Pratiques de mobbing
Mais cela peut aussi être des abstentions : la non-résolution de problèmes peut favoriser des pratiques de mobbing (lorsqu’une personne ou un groupe de personnes s’en prennent systématiquement à un individu avec, pour but ou pour effet, de l’inciter à abandonner son poste) ou du moins en être la source. Pour qu’il y ait harcèlement, ces actions ou abstentions doivent être répétées, même sur un très court laps de temps.
Si le juge reçoit les éléments ainsi caractérisés présentés par le salarié, l’employeur doit, alors, en application de l’article 1154-1 du code du travail, dans un second temps, tenter de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
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