La Haute Autorité de santé (HAS) vient de publier ses premières recommandationsde bonnes pratiques pour le repérage, le diagnostic et la stratégie de prise en charge de la dépression de l’adolescent par les médecins du premier recours.
Selon les auteurs, près de 8 % des adolescents entre 12 et 18 ans souffriraient d’une dépression, et constitueraient une cible très difficile à dépister. L’adolescent manifeste en effet sa souffrance différemment des adultes. Sa dépression peut être confondue avec les sentiments de déprime, courants dans cette période de la vie, et les médecins peuvent ainsi être amenés à confondre un épisode dépressif caractérisé (EDC) avec la « crise d’adolescence ».
Des somatisations fluctuantes et trompeuses
Les recommandations insistent donc sur les méthodes de repérage et sur l’évaluation de la souffrance dépressive. Les médecins généralistes sont particulièrement concernés par ces publications car ils constituent la spécialité privilégiée par les adolescents.
Chez l’adolescent, la dépression n’a pas de symptômes très spécifiques et se caractérise par des comportements et des somatisations fluctuantes et trompeuses comme l’irritabilité et l’agressivité. Il est donc recommandé de questionner directement l’adolescent en l’aidant à exprimer ses ressentis.
Plus faciles à identifier, les crises suicidaires peuvent se manifester par un sentiment de désespoir, d’impasse, d’avenir bouché, de perte du sens de la vie, de culpabilité et de dénégation de soi. Les auteurs attirent aussi l’attention sur les adolescents qui se désinvestissent des liens familiaux, qui font preuve d’une rage incontrôlée ou d’un sentiment de revanche ou d’une altération de la conscience de soi.
Deux questionnaires validés
Pour aider au repérage ou soutenir la relation thérapeutique, les médecins peuvent s’appuyer sur le questionnaire ADRS validé pour la détection d’un EDC et sur le questionnaire TSTS-CAFARD, plus adapté à la problématique suicidaire. Le diagnostic doit reposer sur l’association de symptômes, d’une souffrance cliniquement significative et d’un retentissement sur le fonctionnement. Les symptômes doivent durer au moins 15 jours et être au nombre de 5, comprenant un des deux symptômes cardinaux : humeur dépressive ou perte d’intérêt. Dans ce cas-là, le médecin peut envisager une consultation dédiée.
Une approche en quatre phases
La HAS détaille les spécificités d’une telle consultation et recommande de garder une approche empathique et collaborative centrée sur l’adolescent qui doit être considéré comme un individu singulier capable de participer autant que possible. La HAS estime nécessaire de passer par 4 phases. La première phase inclut les parents, afin d’explorer les comportements somatiques, l’histoire du sujet et la dynamique familiale. La deuxième phase se déroule uniquement en présence de l’adolescent qui a ainsi la possibilité de révéler sa souffrance interne, d’aborder sa vie relationnelle ainsi que ses conduites à risque.
Un examen somatique constitue la troisième phase tandis que la restitution à l’adolescent et à sa famille constitue la quatrième et dernière phase. C’est à ce moment-là que le médecin doit définir des objectifs thérapeutiques et une stratégie de soins claire et adaptée à l’âge developpemental et aux circonstances. La stratégie pouvant se limiter, dans un premier temps, à la construction d’une alliance thérapeutique. Le médecin doit prendre des précautions, notamment en ce qui concerne les règles de confidentialités vis-à-vis des parents à définir clairement avec le patient.
Les psychotropes en dernier recours
Les recommandations dressent un panorama détaillé des types de prise en charge : le suivi somatique, la thérapie relationnelle et les traitements psychotropes. Si après 4 à 8 semaines de psychothérapie, les symptômes persistent, la prise en charge médicamenteuse pourra être envisagée uniquement en association avec une psychothérapie. Enfin, l’hospitalisation est réservée à certaines situations graves, lorsque le risque de passage à l’acte suicidaire est imminent ou si le contexte familial est défavorable. En dehors de l’urgence, c’est un psychiatre ou un pédopsychiatre qui doit évaluer cette possibilité.
Damien Coulomb
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