Une opinion que partagent Cassia et Nora, 17 ans. En terminale L au lycée Victor-Hugo, dans le Marais, à Paris, elles rêvent d'un emploi du temps à l'italienne, pays où elles ont fait un séjour linguistique. Là-bas, les jeunes quittent généralement l'école avant 16 heures, contre 18 heures en France. Ils consacrent leurs après-midi à la danse, la musique, le dessin, ou à la révision du baccalauréat, ce que les deux adolescentes font rarement : « Où trouver le temps ? », s'interroge Nora, grands yeux bleus sur un visage poupon, une cigarette roulée entre les lèvres. « Notre journée ressemble à un course contre la montre », ajoute son amie Cassia, le regard cerné par une montagne de fard à paupière.
LES ÉLÈVES FRAGILES DÉCROCHENT
Le marathon commence à 6 h 30 du matin. L'une habite Montrouge (Hauts-de-Seine), l'autre Fontainebleau (Seine-et-Marne). Le challenge ? Arriver à l'heure en classe. « Une minute de retard et c'est foutu. Il faut attendre le prochain cours », s'indigne Nora. Ceux-ci démarrent généralement à 8 h 15 et se terminent à 17 h 30. Ces 9 heures dans l'établissement épuisent les deux jeunes filles, qui s'estiment pourtant résistantes.
D'autres, plus fragiles, décrochent. C'est le cas d'une de leurs copines. Celle-ci a tourné le dos au système scolaire, mais pas au bac, qu'elle prépare via le Centre national d'enseignement à distance (CNED), comme 50 000 autres lycéens en France. « De toute façon, elle ne suivait plus, elle s'endormait régulièrement en classe », précise Nora. « Même moi, je me suis assoupie en cours hier », ajoute-elle. Cette fatigue, elle l'éprouve toujours à la veille des vacances. Pas question d'ailleurs pour la jeune fille de raccourcir ces dernières. Même celles de l'été, « les plus reposantes ». « Elles ne sont pas juste là pour nous faire plaisir, mais répondent à un réel besoin. Le système scolaire nous pousse à bout », estime Nora.
« Quand j’arrive à la maison, je suis lessivée. Je préfère me détendre sur Youtube que de remettre le nez dans mes manuels », ajoute-t-elle. Cette lassitude, Cassia l'éprouve également. Les deux jeunes filles estiment que leur emploi du temps pourrait être resserré, optimisé. Elles citent en exemple le cours de philo du samedi. « Celui-ci aurait très bien pu être calé le lundi de 8 heures à 10 heures puisque nous n'avons pas cours », explique Cassia. Et puis, le weekend, c'est sacré. « On ne peut pas sortir le vendredi, puisqu'il faut se lever tôt le lendemain. Ils ne nous reste plus que le samedi, où on cumule les sorties afin de rentabiliser notre temps libre. Du coup, on est crevé le dimanche », regrette Nora.
5% DES LYCÉENS SÈCHENT LES COURS EN FRANCE
Leur emploi du temps serait également émaillé de trous entre les cours. Sur les 40 heures passées à l'école, seuls 30 heures se déroulent en classe. « Il y a beaucoup de moments de flottement où on ne sait ni quoi faire, ni où aller », se plaint-elle. Il y avait bien un foyer, « où on pouvait jouer au baby foot et s'allonger sur des canaps », se souvient-Nora. Celui-ci n'existe plus. Il a d'abord été remplacé par une salle de classe, avant de réapparaître sous une forme plus sobre. Il ne reste rien, sauf des chaises et quelques tables. « Ça ressemble désormais plus à une salle de permanence qu'à un espace pour se divertir », estime Cassia. Elle préfère zoner dehors que de s'y rendre. Ou rentrer chez elle, quitte à sécher les cours d'après, comme 5 % des lycéens en 2011/2012.
A ces heures « vides », s'ajoute la pause déjeuner. Au collège-lycée Victor-Hugo, celle-ci se tient parfois de 11 h 30 à 12 h 30. « C'est un peu tôt. On se force à manger », explique Nora. Tout n'a pas pour autant un goût amer à l'école. Le théâtre, que Cassia a pris en option facultative et Nora, en spécialité (5 heures par semaine), égaye leur semaine. Pour rien au monde, elles n'y renonceraient. « Notre école enseigne très bien cette matière. Elle nous amène régulièrement voir des pièces de théâtre, nous incite à les analyser, puis à monter les nôtres. C'est plus vivant que les cours magistraux. Pourtant, ça demande autant de boulot », conclut Nora.
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