Ils sont vingt citoyens lambda, hommes et femmes, sélectionnés par l’IFOP. Depuis la mi-novembre, cette "conférence citoyenne" planche dans la plus grande discrétion sur la fin de vie. Son avis, rédigé pendant tout ce week-end, pèsera lourd dans la future loi promise par François Hollande... Iront-ils jusqu’à prôner la légalisation de l’euthanasie ? Ou défendront-ils le statu quo ? Réponse lundi matin.
Peut-on confier à un petit groupe représentatif de "citoyens" français le soin de décider de la future loi française sur la fin de vie ? C’est un peu la question qui se posera lundi, après que le "jury citoyen" aura rendu son avis sur des questions aussi délicates que l'euthanasie active ou le suicide assisté, jusqu'à présent interdits en France. La "conférence de citoyens" mise sur pied par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait en effet prévu de plancher tout le week-end sur des recommandations sur la fin de vie qu’elle dévoilera lors d'une conférence de presse à Paris.
Les conclusions de ce petit groupe d'une vingtaine de personnes sélectionnées par l'Ifop, qui s'est réuni durant trois week-ends à huis clos en novembre et décembre pour entendre diverses personnalités qualifiées pèsera certainement lourd dans la suite du processus voulu par le gouvernement sur la fin de vie. Quelques soient la teneur de leur avis, on voit mal en effet, les pouvoirs publics faire abstraction de cet exercice de démocratie sanitaire, comme si rien ne s’était passé. D’autant que les personnalités auditionnées par ce "jury" depuis la mi-novembre ont été choisies pour partie par le CCNE et pour une partie par les citoyens eux-mêmes, a précisé à l'Agence France Presse, Jean-Claude Ameisen, président du CCNE.
L’affaire est pourtant compliquée pour les pouvoirs publics qui voudraient bien s’épargner un vaste déballage sur la fin de vie, après la polémique sur le "mariage pour tous", tout en respectant une des promesses sociétales du président. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande s'était en effet prononcé pour une nouvelle loi sur la fin de vie. Et même s’il n’a jamais utilisé le mot euthanasie, la formulation retenue alors rappelait les législations belges ou néerlandaises : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »
Hésitations
Mais le candidat socialiste devenu président a paru hésiter. Son choix de confier une première mission sur le sujet à Didier Sicard en atteste. L’ancien président du Comité d’Ethique avait rendu un rapport il y a un anrejetant l'idée d'inscrire l'euthanasie et même le suicide assisté dans la loi française, mais recommandant pour certains cas la possibilité d'accorder un geste médical «accélérant la survenue de la mort", la fameuse « sédation terminale". L’Ordre des médecins se trouve grosso modo sur la même longueur d’onde. Quant au CCNE, son avis sur cette question, rendu en juillet dernier -toujours à la demande de François Hollande- indiquait que la « majorité de ses membres recommandait de ne pas légaliser l'assistance au suicide et/ou l'euthanasie". Il proposait néanmoins que les « directives anticipées" deviennent « contraignantes pour les soignants". Mais depuis, cet organe consultatif a été considérablement remanié.
C’est dans ce contexte de réflexions intenses, que le panel citoyen va donc devoir s’exprimer le 16 décembre. Ce type de consultation citoyenne n’est pas nouvelle, puisqu’elle avait été utilisée pour éclairer la loi bioéthique de 2011. Mais avec la fin de vie, les pressions sont plus fortes et les positions très tranchées. L’issue de cette consultation citoyenne reste donc incertaine. Comment, par exemple, le panel citoyen réussirait-il à se faire entendre, s’il devait prendre ses distances avec les contributions Sicard et du CCNE, l’une et l’autre plutôt hostiles à un bouleversement de la loi Léonetti de 2005 ? Dans le cas inverse, il court cette fois le risque de se mettre en porte à faux avec une opinion publique que les sondages disent acquise à la légalisation de l’euthanasie. Au total, il n’est pas certain que l’avis du panel citoyen apaise le débat. D’autant que des affaires récentes et la refonte en cours de la législation belge sur la question ont médiatisé ces derniers temps la cause des partisans de l’euthanasie. François Hollande devra faire avec tout cela. Il a en effet promis un projet de loi pour "compléter, améliorer la loi Leonetti" qui devrait être déposé avant l'été 2014.
Paul Bretagne
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