L’Espagne, l’Allemagne ou les Etats-Unis envisagent plutôt sereinement la question de la religion à l’école.
La laïcité, exception française ? En Espagne, pays de forte tradition catholique où le concordat de 1979 est toujours en vigueur (l’Eglise reçoit 4 milliards d’euros de subventions par an), le concept de laïcité demeure flou. Certes, la Constitution précise que «l’Etat est aconfessionnel», mais elle ne définit pas clairement les limites de cette laicidad. Cette ambiguïté est mise à profit par l’épiscopat qui, sous l’égide du cardinal Rouco Varela, se bat pour maintenir le legs et les symboles catholiques : catéchisme dans les écoles concertadas(semi-privées financées par l’Etat), crucifix dans les salles de classe… Dans l’esprit de la majorité des Espagnols (83% se disent catholiques), la laïcité est associée à un athéisme antichrétien. L’actuel gouvernement conservateur, dont plusieurs ministres sont membres ou proches de l’Opus Dei, a d’ailleurs l’intention de revenir sur les réformes «laïcardes» du socialiste Zapatero et de réhabiliter l’enseignement religieux dans le public.
Par tradition, l’Allemagne accorde plus d’importance à la liberté religieuse qu’à celle des athées. En République fédérale, l’Etat collecte l’impôt pour l’Eglise, les conventions de partis politiques débutent automatiquement par un office œcuménique, les salles de classe et les tribunaux de Bavière sont ornés d’un crucifix et les enfants suivent des cours de religion à l’école sans que cela ne provoque le moindre débat. Dans le cadre de concordats régionaux, chaque Land définit, avec les communautés catholiques et protestantes, le contenu des cours de religion. Les élèves qui ne souhaitent pas les suivre se voient proposer des heures d’éthique, suivis notamment par la plupart des élèves musulmans. Ces dernières années, les rares cas de conflit entre laïcité et religion se sont tous achevés par un renforcement des droits des communautés religieuses, à l’exception de la communauté musulmane. Mais si huit des seize Lander allemands interdisent le port du voile à l’école, cette mesure ne concerne que les enseignantes, pas les élèves.
Vu des Etats-Unis, la laïcité est une incongruité française qui n’a même pas de traduction exacte en anglais. Ce qui est enseigné dans les écoles américaines s’appelle la «séparation de l’Eglise et de l’Etat», une expression forgée par Thomas Jefferson en 1802. Par certains aspects, cette séparation est d’ailleurs plus stricte aux Etats-Unis qu’en France : les vacances scolaires sont appelées Fall Break ouWinter Break (vacances d’automne ou d’hiver) plutôt que vacances de Noël ou vacances de la Toussaint.
Le gouvernement américain ne subventionne pas non plus les écoles religieuses privées. Intransigeante sur cette «séparation de l’Eglise et de l’Etat», la Constitution américaine ne l’est pas moins en revanche sur la «liberté d’expression», y compris religieuse. Les bâtiments scolaires ne doivent pas afficher de symboles religieux mais les élèves sont libres de venir en classe avec leur crucifix, leur rosaire, leur kippa ou autres voiles islamiques. Enfin, si la Cour suprême a interdit en 1987 l’enseignement du «créationnisme» dans les écoles publiques, cela n’empêche pas plusieurs Etats comme le Texas, la Caroline du Sud ou l’Alabama d’y revenir subrepticement en exigeant que la théorie de l’évolution soit enseignée de façon «critique».
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