3 septembre 2013
Le plasticien s’inspire du manuel rédigé par des psychiatres américains listant les troubles mentaux.
Alexandre Périgot a documenté son travail à partir de personnages qui présentent tous des pathologies de folie. On trouve des cas qui paraissent assez évidents, à l’instar de Jack Nicholson dans Shining,ou, moins connu, Peter Breck, dans Shock Corridor, de Samuel Fuller (1963), où l’acteur tient le rôle d’un journaliste qui apprend à simuler les symptômes de la folie afin d’intégrer un asile psychiatrique pour les besoins de son enquête.
Idiotie. Mais Alexandre Périgot pose d’autres curseurs, beaucoup plus sujets à controverse, à partir de l’utilisation désormais massive d’un outil redoutable qui, dans sa nomenclature anglo-saxonne, s’intitule DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), soit le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. La chose se présente comme un dictionnaire des maladies mentales et de leurs symptômes, en passant par les méthodes de diagnostic et les médicaments adaptés. L’ouvrage vient de voir sa cinquième version éditée en mai sous l’égide d’une puissante association américaine de psychiatres. En 1840, un document précurseur ne comprenait que deux entrées : l’idiotie et la stupidité. Puis ce sont les militaires qui ont souhaité accorder leurs violons en y ajoutant toutes les pathologies dûment répertoriées, essentiellement classées sous les chapitres «Schizophrénie» et «Névroses».
Il a fallu attendre 1974 pour que l’homosexualité ne soit plus répertoriée dans le DSM. Cette bible liste aujourd’hui pas moins de 400 maladies. On peut y trouver l’hyperphagie (la gourmandise), l’addiction à Internet, les phobies quelles qu’elles soient, ou le syndrome prémenstruel. Autant dire que l’objet diffusé est un outil de première importance pour l’industrie pharmaceutique.
Alexandre Périgot est un homme de l’image et singulièrement de l’image populaire des héros, de ce qu’elle nous renvoie, de ce qu’elle nous raconte sur nous-mêmes. Dans son projet de Maison du fada, il nous donne d’autres portraits de cas moins évidents, des sociopathes et des psychopathes référencés par le DSM, à commencer par celui qui fut le premier à être traité par des scénaristes en 1999 : Toni Soprano, sa femme, sa mère, ses enfants pour la série mythique desSoprano qui, après huit ans de diffusion et six saisons, battait toujours des records d’audience aux Etats-Unis. Les scénaristes desSoprano ont passé le DSM au crible avant de dessiner les portraits psychologiques des personnages, dont on saisit bien les grains de folie ordinaire.
Succès. Depuis, Hollywood poursuit cette route du succès et ne passe plus seulement ses tueurs à la grille du DSM, mais examine toutes sortes de cas que le public reconnaît, voire dans lesquels il se reconnaît. Homeland, énorme succès dont la troisième saison débute à la fin du mois aux Etats-Unis, est ainsi une pure étude du syndrome de Stockholm (l’empathie d’un otage envers son ravisseur). Périgot ne propose plus de nous mettre face aux symptômes de la folie, mais plus simplement de partager ses interrogations sur la normalité.
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