Une insuffisance criante de soins palliatifs
LE MONDE | Par Claire Brisset, médiatrice de la Ville de Paris et Xavier Emmanuelli, président du Samu social international
Notre société peut-elle continuer à éluder une question aussi cruciale que celle de la fin de vie, de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et de l'accompagnement des mourants ?
Nous savons qu'il n'en est rien et il est heureux que les politiques se saisissent, sans faux-semblants, de ce sujet qui touche au plus intime de chacun d'entre nous. La population française, comme celle des pays industrialisés, vieillit, malgré un taux de natalité soutenu.
La durée de vie s'allonge et c'est tant mieux. Mais le prix à payer est élevé : dépendance, solitude, fin de vie sans assistance digne de ce nom.
LA MAJORITÉ DE CEUX QUI MEURENT A PLUS DE 75 ANS
Ce que nous demandons avec force tient en quelques lignes : il n'est pas possible de dissocier la réflexion sur la dépendance d'une approche éthique sur la fin de la vie et sur l'accompagnement des mourants.
Depuis des années, on n'a cessé d'aborder ces thèmes de manière différenciée, comme si ces deux réalités pouvaient être dissociées. Nous savons bien qu'il n'en est rien. La majorité de ceux qui meurent, dans les pays industrialisés, a plus de 75 ans, grâce à la médecine et au progrès social.
Mais regardons la réalité et ne séparons pas la réflexion sur le grand âge de celle que l'on doit au respect de ceux qui meurent.
Aujourd'hui, les soins palliatifs, indispensables à l'accompagnement des mourants, demeurent, quels que soient l'âge ou la pathologie des malades, insuffisants. A Paris, par exemple, les trois réseaux de soins palliatifs à domicile fonctionnent aux limites de leurs capacités et ne répondent qu'au tiers de la demande.
Des associations de bénévoles, elles aussi surchargées, leur apportent un concours indispensable. Les hôpitaux, les établissements pour personnes âgées dépendantes, ont certes formé des équipes spécialisées.
Mais aucun de ces efforts n'est à la hauteur de la demande des patients et de leurs familles. L'Ile-de-France ne compte que sept lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants.
Dans l'accompagnement des mourants, 30 % de la prise en charge relève du soin et 70 % du soutien psychologique, de l'aide aux gestes de la vie courante et aux démarches sociales. Or, c'est l'assurance-maladie et elle seule qui finance les soins palliatifs dispensés par les réseaux ou services spécialisés.
Seule une diversification des financements permettra un développement de cette activité, par exemple grâce à une participation des collectivités locales. Il s'agit là de décisions politiques, au sens le plus élevé du terme. Développer l'accompagnement des mourants, c'est faire preuve d'un minimum de sens d'éthique.
GÉRONTOPSYCHIATRIE, DISCIPLINE À L'ABANDON
Faute de soins palliatifs, faute d'une présence attentive à l'écoute de celui qui meurt et de sa famille, nous savons ce qui se passe : un recours aux urgences hospitalières, décidé dans la précipitation par les proches en proie à l'affolement et à la culpabilité.
Lequel d'entre nous souhaite finir sa vie ou assister à la fin de l'un des siens dans le service d'urgence surchargé d'un hôpital où rien n'est prévu pour assister les mourants ?
Et enfin, parlons aussi d'un secteur négligé de la médecine, donc du corps social qui détourne les yeux : les malades mentaux âgés qui font l'objet, pour nombre d'entre eux, d'un déni de soins.
Parfois hospitalisés pendant de longues années, certains sont obligés de quitter l'hôpital car les lits de psychiatrie sont peu nombreux. Beaucoup se retrouvent chez eux, sans soins, privés de tout repère, ou parfois dans la rue.
Et enfin, combien de personnes âgées, même dépourvues d'antécédents psychiatriques, sont en proie à la dépression, à l'angoisse, à la perte d'estime de soi qui accompagnent souvent le grand âge ?
La gérontopsychiatrie est une discipline à l'abandon en France. Contre tous ces manquements à l'éthique, nos sociétés peuvent lutter. C'est le devoir de chacun d'entre nous. C'est aussi une obligation des politiques.
Xavier Emmanuelli,
Claire Brisset, médiatrice de la Ville de Paris et Xavier Emmanuelli, président du Samu social international
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