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mardi 18 décembre 2012

Malgré le rapport Sicard, l’Elysée veut une nouvelle loi


Le rapport Sicard sur «la fin de vie» exclut toute légalisation de l’euthanasie. La mission déplore le mésusage de la loi Léonetti et propose d’aller un peu plus loin en suggérant une «sédation terminale». En revanche, le rapport ne plaide pas en faveur du suicide assisté. L’Elysée va maintenant saisir le Comité National d’Ethique et annonce un projet de loi sur la fin de vie en juin, contrairement aux recommandations du rapport.

La mission du Professeur Didier Sicard a fait un choix. Pas de nouvelle loi, mais des modifications à apporter. « Nous appelons à un changement culturel majeur. Le déni de la mort dans notre société est une situation qui est mauvaise », a expliqué Didier Sicard. Appelé par le président de la République à apporter une réflexion sur « la fin de vie », le Pr Didier Sicard a conduit une mission composée de philosophes, professionnels de santé et juristes qui a fini par formuler après six mois de travaux des propositions qu’elle a présentées mardi matin à François Hollande. Le Président avait en effet demandé qu’une réflexion soit menée sur la fin de vie pour éventuellement envisager de légiférer et d’ouvrir la voie à une « assistance médicalisée pour terminer sa vie de fin vie », comme indiqué dans la proposition 21 de son programme présidentiel. Une dizaine de « débats citoyens » plus tard, les conclusions restent prudentes et proposent peu de changement.
Une loi de 2005 méconnue et mal appliquée

Le rapport Sicard insiste tout d’abord sur la méconnaissance de la loi Leonetti et plaident pour la mise en oeuvre des directives anticipées. Ces dernières, qui doivent permettre à toute personne majeure d’indiquer par écrit ses souhaits concernant sa fin de vie avec son médecin traitant et/ou spécialiste, ne sont ni utilisées ni respectées, indique le rapport. Seules 2,5% des personnes décédées en avaient rédigés une, selon l’étude de l’INED publiée fin 2012.

Le texte propose également qu’un parcours de soins de fin de vie soit « clairement identifié » et proposé aux personnes concernées par ces situations. De même, la mission estime, qu’outre l’appropriation par les Français de la loi Leonetti, il faut rendre obligatoire dans l’enseignement des études médicales la formation aux soins palliatifs. Le rapport propose également qu’un programme annuel soit dispensé dans le cadre de la formation continue des médecins, au moins une fois tous les trois ans, sur les soins palliatifs et sur les attitudes à adopter face à une personne malade en fin de vie.

Dans le sillage de la loi Leonetti, la mission recommande dans certains cas de fins de vie difficiles et à la demande explicite du malade, que soit accordée la possibilité d'un geste médical « accélérant la survenue de la mort ». «Lorsque la personne en situation de fin de vie ou en fonction de ses directives anticipées (...) demande expressément à interrompre tout traitement susceptible de prolonger sa vie, voire toute alimentation et toute hydratation, il serait cruel de la laisser mourir ou de la laisser vivre sans lui apporter la possibilité d'un geste accompli par un médecin accélérant la survenue de la mort », peut-on lire dans le rapport. La loi Leonetti permet actuellement aux médecins après décision collégiale et sur demande du patient exprimée de façon claire et réitérée, d’administrer des traitements anti-douleur permettant de soulager la souffrance, avec « effet secondaire d’abréger la vie » d’un malade en « phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ».

«Sédation terminale» mais pas «suicide assisté»

Le rapport souhaite aller un peu plus loin et propose qu’une «sédation terminale» puisse être donnée. Ce qui laisserait entendre un lien de cause à effet avec la mort, plus direct qu’avec les dispositions du texte de 2005 actuellement en vigueur. Mais pour la mission Sicard, il ne s'agit pas là d’euthanasie. « Nous sommes radicalement hostiles à l'inscription de l'euthanasie dans la loi », a précisé le Pr Sicard. L’ancien président du CCNE a par ailleurs souligné que - contrairement à ce que la presse affirmait les heures précédant la remise du rapport - la mission ne « plaidait pas » pour une loi sur le suicide assisté. Elle formule toutefois des préconisations, dans l’hypothèse où le législateur souhaiterait malgré tout aménager cette possibilité. En Suisse où il est toléré, la personne malade qui souhaite abréger sa vie prend elle-même un produit létal sous supervision médicale.

L’Elysée a déjà annoncé qu’un projet de loi sur la fin de vie se basant sur les propositions du Pr Sicard et sur le futur avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui va être à son tour saisi, sera présenté au Parlement en juin prochain. Une annonce que les députés écologistes et radicaux de gauche ont approuvé tout en jugeant insuffisantes les propositions du Pr Sicard. «Le rapport Sicard, ou du moins ce qu'on en connaît, donne l'impression d'être en demi-teinte, ou de rester au milieu du gué », a réagi le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée François de Rugy. De son côté l’association pour le droit de Mourir dans la Dignité contre-attaque. Selon Jean-Luc Roméro, «le rapport Sicard est un copié-collé du rapport Léonetti de 2008», qui tirait le bilan de la loi de 2005. « C’est maintenant qu’il faut légiférer» sur le suicide assisté et l’euthanasie, martèle le président de l’ADMD.

Marisol Touraine n’est pas de cet avis, qui a souligné dans une interview sur Public Sénat que ce rapport constituait «un pas très important, une brèche.Il est temps de pouvoir mieux prendre en compte les attentes de nos concitoyens, leur volonté de dignité, et que cette dignité s'exprime et soit réalisée jusqu'au bout de la vie», a-t-elle estimé. Quant à Jean Leonetti, député UMP, médecin et père de la loi portant son nom, il a salué mardi sur France Inter le rapport Sicard qui comporte «beaucoup de choses positives» et qui reprend deux de ses propositions. Et notamment la «sédation terminale» qui donne au mourant «le droit de s'endormir avant de mourir quand on souffre», a-t-il expliqué.
Caroline Laires-Tavares

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