Sexisme : les ministres à l’école des femmes
29 novembre 2012
Le gouvernement, qui a suivi des stages de sensibilisation depuis juillet, présente aujourd’hui son plan en faveur de l’égalité.
Douze ans. Les ministres se réunissent ce matin à Matignon, en comité interministériel aux droits des femmes, une instance qu’on n’avait pas jugé bon de convoquer depuis le gouvernement Jospin. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, présentera dans la foulée un plan en faveur de l’égalité. «C’est la troisième génération du droit des femmes, après le droit de vote et la loi IVG», explique-t-on au ministère des droits des femmes.
Spéciale dédicace à Carla Bruni-Sarkozy ? Dans le magazine Vogue de décembre-janvier, elle s’assume en «bourgeoise» et assène : «On n’a pas besoin d’être féministe dans ma génération.» Des mots qui ont enflammé Twitter et lancé une vague de protestations sous le mot-clé #ChereCarlaBruni. Une avalanche qui a finalement conduit l’intéressée elle-même à juger sa phrase «maladroite». Et pour cause.
Une femme sur trois travaille à temps partiel, elles touchent une retraite inférieure de 40% à celle des hommes et 27% de salaire en moins. A la maison, elles assument l’écrasante majorité des tâches domestiques. A l’Assemblée nationale, elles sont seulement 27%. Pas besoin d’être féministe ? «On a besoin que tout le monde soit féministe. Le féminisme, c’est un combat pour l’égalité des sexes, pas pour la domination d’un sexe sur l’autre», a répliqué Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, à l’ex-première dame.
Parce que la lutte contre les stéréotypes concerne tout le monde, elle a obtenu, dès le mois de juillet, que ses collègues ministres suivent un stage antisexisme. Certains ont traîné les pieds, ou ricané. Quelques-uns (6 sur 38) ne s’y sont pas encore rendus. Mais la plupart s’y sont pliés. Les séances ont été animées par une conseillère politique, cofondatrice d’Osez le féminisme, aidée par l’association nationale des DRH, un Powerpoint, des exemples, des chiffres et trois quarts d’heure de discussion.
Vincent Peillon (Education) a pris des notes. Marie-Arlette Carlotti (Personnes handicapées et Lutte contre l’exclusion) est venue avec son cabinet au complet, son chauffeur et ses deux assistantes. Bernard Cazeneuve (Affaires européennes) a dit trouver l’exercice très efficace et certains y sont allés de leurs anecdotes. Ainsi Jean-Yves Le Drian (Défense) a raconté comment, en Bretagne, il avait dû se battre pour imposer, en 2000, une conductrice pour un bus à deux étages, jugé trop lourd pour une femme. «L’objectif, c’est de créer des réflexes, pas de délivrer un cours sur les droits des femmes»,explique Caroline de Haas, d’Osez le féminisme, qui assure ces séances de «sensibilisation» inspirées par la Suède.
Bodys. Elle a exhumé des statistiques de l’Insee et de l’Ined : la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans 12 des 87 familles professionnelles ; 26% des femmes, en moyenne, ont arrêté leur activité professionnelle un an après l’arrivée d’un enfant, contre 2,6% des hommes. Aux ministres, elle a montré des pubs pour des bodys de bébé : pour ceux en bleu, destinés aux garçons, on lit«courageux, fort, fier, rusé, habile, espiègle, cool» ; pour ceux des filles, en rose, «jolie, têtue, rigolote, douce, gourmande, coquette, amoureuse, élégante, belle».
«Le but, c’est de montrer qu’on vit dans une illusion d’égalité», poursuit de Haas. Notamment en faisant apparaître des réalités que les politiques ont sous le nez. Par exemple, 73% des passages médias des politiques de gauche sont accaparés par des hommes. «Cela les frappe, poursuit de Haas. Et montre que même si on fait des efforts paritaires, si on ne se surveille pas, on accroît et on reproduit les inégalités.» La vertu de ces séances ? «Donner quelques clés, quelques outils.» En espérant que les ministres s’en souviennent au moment de bâtir une politique publique ou de nommer un(e) haut fonctionnaire.
Le gouvernement, certes paritaire, mais où un seul ministère régalien a été attribué à une femme, entend donc faire avancer l’égalité. Son plan comporte plusieurs volets : lutte contre les stéréotypes à l’école(lire ci-contre), les publicités ou le sport ; loi contre les violences ; égalité professionnelle ; remboursement de la contraception et de l’IVG. «On ne fait pas une énième loi, on veut jouer sur les mentalités», explique-t-on dans l’équipe de Vallaud-Belkacem. Quelques mesures ? La prévention des violences sexistes par l’apprentissage de l’égalité sera expérimentée en 2013, «dès la dernière classe de maternelle et jusqu’à la fin du primaire». Ces modules appelés «ABCD de l’égalité» inviteront à «faire parler les enfants sur les différences de genre» : qui lance le ballon ? Va au tableau ? Les professeurs suivront une formation «à l’égalité et à la déconstruction des stéréotypes».
Congé. La question de l’égalité sera aussi abordée dans le secondaire et dans l’enseignement supérieur. «C’est prioritaire, estime Olga Trostiansky, élue PS et animatrice du Laboratoire de l’égalité, qui regroupe politiques, chercheurs, DRH… C’est un projet de grande envergure. Mais notre inquiétude porte sur l’égalité professionnelle.»
Sur ce point, le gouvernement a lancé l’offensive avec les partenaires sociaux, qui doivent plancher, par exemple, sur un congé parental raccourci et mieux rémunéré ou sur le temps de travail. Il va publier ces jours-ci un décret d’application pour réduire les écarts de salaires. Les entreprises de plus de 50 salariés devront produire des documents attestant de négociations en cours pour atteindre l’égalité homme-femme des rémunérations. Faute de quoi, selon la promesse du candidat Hollande, elles feront l’objet de sanctions. L’an prochain, toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés seront contrôlées.
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