La HAS dit stop à la prescription systématique de somnifères chez les seniors
Championne d’Europe de la consommation de somnifères, la France affiche un niveau d’usage particulièrement élevé chez les plus de 65 ans. Près d’un tiers d’entre eux (27,4 %), soit environ 3,5 millions de personnes, est exposé de manière chronique auxbenzodiazépines et médicaments apparentés. Or, dans plus de la moitié des cas, ces traitements ne seraient pas indiqués, souligne la Haute Autorité de santé (HAS) qui relance une campagne de sensibilisation à destination du grand public et des professionnels de santé, médecins et pharmaciens.
Malgré les précédentes recommandations publiées en 2006 qui visaient déjà à diminuer les prescriptions inappropriées de somnifères, « la situation n’a que très peu évolué », constate le Pr Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité. « La prise de somnifères n’est pourtant pas un geste anodin et peut engendrer de nombreuses complications : accoutumance, troubles de la mémoire ou de l’attention, risques de chute ou d’accident lors de la conduite », poursuit-il.
Aujourd’hui, la HAS entend rappeler aux médecins, pharmaciens et patients que la prescription et le renouvellement de somnifères ne doivent pas être systématiques et demeurent indiqués uniquement dans les cas de troubles sévères du sommeil dans les insomnies occasionnelles ou transitoires et ce, pour de courtes périodes allant de quelques jours à quatre semaines maximum. « La prescription de somnifères, ce n’est pas un CDI mais un CDD », martèle le Dr ArmelleLeperre-Desplanques, responsable du service des programmes pilotes à la HAS.
Sommeil plus fractionné
Le sentiment de mal dormir pousse de nombreuses personnes âgées à se plaindre d’insomnie auprès de leur médecin sans que cela en soit véritablement une. « Seulement 10 à 20 % des troubles du sommeil en population générale seraient de vraies insomnies », indique la HAS. « Le sommeil de la personne âgée est un sommeil plus fractionné » qui se répartit sur l’ensemble de la journée, explique le Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du réseau Morphée. « Il y a une pression de sommeil moins forte et le temps de sommeil est donc plus court que chez une personne plus jeune. Il est ainsi normal de se réveiller une à deux fois dans la nuit, avec des éveils d’une demi-heure à une heure », ajoute-t-elle.
Le sommeil de la personne âgée est également moins profond rendant celle-ci plus sensible à son environnement. « Le sentiment global va être un sommeil plus léger, moins reposant, moins récupérateur », résume leDr Royant-Parola.
À la recherche de signes
Face à des plaintes chroniques du sommeil, le médecin doit rechercher des signes associés : douleurs, anxiété, dépression, problèmes urinaires, apnée du sommeil… « Devant une plainte récente, il faut rechercher un événement qui va perturber le sommeil », conseille le DrLeperre-Desplanques. « Parfois il est évident, la personne peut avoir perdu quelqu’un de sa famille et va vous en parler spontanément en tant que médecin. Parfois, il faut aussi savoir poser les questions. Cela peut être la disparition d’un animal de compagnie ou le départ d’un voisin en vacances qui laisse la personne anxieuse », poursuit-elle.
Si le patient a de vrais problèmes de sommeil, le médecin pourra notamment s’appuyer sur plusieurs outils pratiques, disponibles en ligne, et mis au point par la HAS, notamment un agenda du sommeil, des arbres décisionnels, une fiche de conseils pour bien dormir, une affiche...
Stratégie d’arrêt
Devant toute prescription de benzodiazépine de plus d’un mois, il faut se poser la question de la déprescription. « C’est possible sans substitution médicamenteuse et sans effets secondaires », assure le Dr Leperre-Desplanques. « À condition de mener une stratégie d’arrêt adaptée au patient car chacun a une habitude différente vis-à-vis de ces médicaments ».
La HAS met à disposition des praticiens une fiche synthèse sur les modalités d’arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés chez le sujet âgé. S’il est important que le patient prenne conscience des risques et de son degré d’attachement aux somnifères, il faut aussi lui laisser le temps de prendre la décision de l’arrêt. « Il n’y a pas d’urgence quand on prend du "benzo" depuis 10 ans », conclut le Dr Leperre-Desplanques.
› DAVID BILHAUT
lequotidiendumedecin.fr 25/09/2012
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