Agences sanitaires : des « doublons » qui gaspillent les deniers publics
Avec 1 244 agences recensées en 2010 employant 442 830 personnes, la bureaucratie française se révèle à la hauteur de sa réputation. Statuts juridiques flous, tutelle étatique peu stratégique, gouffres financiers : ces entités indépendantes de l’État mais sous son contrôle sont responsables de grands gaspillages, dénonce l’Inspection générale des finances dans un rapport rendu public aujourd’hui (mais remis au précédent gouvernement en mars 2012). Et la santé n’y serait pas pour rien.
C’est un « champ fortement démembré », écrivent les inspecteurs, énumérant les diverses instances qui ont fleuri récemment : agences régionales de santé, centre national de gestion (CNG), Haute Autorité de santé (HAS), Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicaux (ANESM).
Dispersions d’efforts et illisibilité
Ces 3 dernières entités sont particulièrement accusées de n’avoir pas de compétences strictement réparties, ce qui provoque des « doublons ».L’ANAP, l’ANESM et la HAS produisent toutes les 3 de recommandations pour améliorer la qualité des établissements sanitaires et sociaux. Si la complémentarité des approches est souvent le cas en pratique, les inspecteurs observent « des dispersions d’efforts et une grande complexité du paysage institutionnel qui brouille sa lisibilité ».
Par exemple, l’ANAP, spécialisée dans l’efficience de la gestion des établissements, a publié en avril 2011 un guide sur les repas dans les établissements de santé et médico-sociaux. L’ANESM aurait pu en faire de même, pointe l’IGF. De son côté, la HAS a participé à la rédaction de 4 recommandations sur 6 établies par l’ANESM en 2010, « illustrant l’importance des thématiques communes ». Elle travaille aussi en très étroite collaboration avec l’ANAP sur l’efficacité de l’organisation des soins, notamment dans le domaine de la chirurgie ambulatoire. « Sans être stricto sensu un doublonnement, une telle configuration se traduit par des coûts de coordination », soulignent les inspecteurs.
Autre critique administrée aux agences du secteur de la santé, leur création provoquerait systématiquement une forte augmentation de moyens humains : autant de postes qui relevaient auparavant des administrations de l’État, devenues, elles, des peaux de chagrin. Ainsi le plafond d’emplois de l’ANAP a été augmenté de 40 équivalents temps plein (ETP) entre 2009 et 2011, par création de postes et le plafond d’emploi actuel du CNG correspond quasiment, selon le rapport, à un doublement des ETP initialement transférés de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins.
Des mesures à l’automne
Soulignant la difficulté du contexte, l’IGF préconise d’adopter de nouvelles orientations pour ces entités « créées de façon ponctuelle sans cohérence d’ensemble ». La mission suggère de piocher 2 milliardsd’euros dans les trésoreries excédentaires des agences pour alléger la dette de l’État. Elle recommande de lancer des audits transversaux impliquant l’ensemble des acteurs d’une même politique publique et de supprimer les doublons. Les agences aux activités similaires ou n’atteignant pas la taille critique devraient se rassembler. La tutelle de l’État devrait aussi être renforcée, tant au niveau stratégique que financier, avec un meilleur contrôle des allocations de ressources.
Les ministres de l’Économie, Pierre Moscovici, et du Budget, JérômeCahuzac, ont « accueilli avec intérêt » ces propositions, déclarent-ils dans un communiqué commun. Les premières mesures pourraient intervenir cet automne, avec le projet de loi de programmation des finances publiques. Une « mission de réflexion » sera en outre lancée prochainement dans le cadre du travail sur la réforme de l’action publique, qui devrait aboutir à l’automne 2012 sur une stratégie annoncée par Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État.
› COLINE GARRÉ
lequotidiendumedecin.fr 17/09/2012
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