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jeudi 30 mai 2024

Un « plan pour la santé de l’enfant » face à un secteur en crise

Par  et    Publié le 23 mai 2024

Attendues depuis un an, les Assises de la pédiatrie doivent se tenir vendredi à Paris. L’occasion pour le gouvernement de décliner une feuille de route allant de la prévention à l’offre de lits en néonatalogie, en passant par la santé mentale des jeunes et la formation des pédiatres.

Dans le service pédiatrie de l’hôpital Necker-Enfants malades, à Paris, le 7 novembre 2023.  

Ces mesures suffiront-elles au secteur de la pédiatrie pour surmonter une crise devenue systémique ? Et même, plus simplement, permettront-elles de trouver un pédiatre, un psychologue, un pédopsychiatre, en cas de besoin ? A l’occasion d’Assises de la pédiatrie, convoquées, vendredi 24 mai, à Paris, avec un an de retard sur le calendrier initial promis par le gouvernement, une feuille de route de seize grandes mesures, correspondant à 80 actions ou dispositifs, s’apprête à être annoncée. « L’objectif, c’est redonner de l’élan au secteur, une dynamique », défend le ministre délégué à la santé, Frédéric Valletoux, qui porte ce « plan pour la santé de l’enfant », aux côtés de ses homologues chargés de l’enfance et de la jeunesse, de l’éducation nationale et du handicap.

Allant de la prévention à la recherche, de l’offre de lits en néonatalogie à la médecine scolaire, en passant par la santé mentale des jeunes et la formation des pédiatres, cette liste d’engagements, que Le Monde a pu consulter, est vaste, mêlant une partie de mesures déjà annoncées et des pistes nouvelles. Toutes inspirées d’un rapport, remis il y a un mois, par les pilotes de ces assises, la professeure de pédiatrie Christèle Gras-Le Guen et l’ancien secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, qui en a lui-même préconisé 400. Une façon d’acter l’ampleur du chantier.

Dans ce flot de mesures, M. Valletoux en distingue quelques-unes, pour lui « structurantes » et « prioritaires ». Sur le dépistage, d’abord : 100 % des enfants devront bénéficier, avant l’entrée au primaire, d’une consultation à 6 ans pour permettre de détecter d’éventuels troubles du neuro-développement. Un rendez-vous qui viendra renforcer, à l’horizon 2027, la vingtaine de consultations obligatoires dont les plus petits doivent bénéficier.

« Choc d’attractivité »

Toujours sur ce volet du dépistage, le ministre délégué entend autoriser un « accès direct » aux orthophonistes, sans recours préalable au médecin traitant ou au pédiatre pour être remboursé. Autre piste : pour tenter de relancer une médecine scolaire en déshérence, le gouvernement souhaite permettre aux professionnels libéraux ou hospitaliers, de venir renforcer les rangs, épars, de leurs collègues de l’éducation nationale, en ouvrant la possibilité d’un « exercice mixte ».

Le gouvernement se sait aussi attendu sur le volet hospitalier. Un secteur d’où sont parties, à l’hiver 2022-2023, les interpellations de milliers de soignants, sous la pression d’une triple épidémie (grippe, bronchiolite, Covid-19), mettant à mal les services et les cabinets de ville. Plusieurs dizaines de nourrissons avaient, à l’époque, dû être transférés, notamment d’Ile-de-France, faute de place en soins critiques.

Comment relever ce défi de l’offre de soins, et du manque de professionnels qui, sur le terrain, appellent depuis des années à un « choc d’attractivité » ? Le gouvernement entend s’emparer de la formation des futurs pédiatres : le nombre d’internes, ces jeunes médecins après la sixième année d’études, sera porté de 377 à 600 d’ici 2030.

Un chiffre en deçà des attentes de nombreux acteurs du secteur, qui risque de décevoir les intéressés : « On voit des urgences pédiatriques qui ferment de plus en plus fréquemment dans toutes les régions, mais aussi des services de pédiatrie saturés. Des services de surspécialités pour les maladies métaboliques, la neurologie, la chirurgie pédiatrique… ferment des lits », alerte Jérémy Do Cao, président du Syndicat national des pédiatres en établissement hospitalier. « On manque d’infirmiers et de pédiatres, les médecins quittent l’hôpital », insiste-t-il, en appelant à ouvrir 500 places à l’internat dès septembre, et 700 d’ici trois ans.

« Le nombre de futurs pédiatres n’est pas le seul indicateur d’une meilleure prise en charge des enfants, précise M. Valletoux. Les médecins généralistes assurent eux aussi une part déterminante de ce suivi. » L’enjeu recoupe celui, très sensible, du contenu de la formation des futurs généralistes. Les projets de maquette récemment dévoilés, portant de six à trois mois la durée du stage obligatoire en pédiatrie, ont provoqué une vive opposition dans le milieu pédiatrique. Un point que le ministre délégué assure avoir tranché : « Je veillerai à ce que rien ne perturbe la place réservée aux six mois de stage en santé de l’enfant », nous dit-il, évoquant toutefois la possibilité que ce stage soit effectué ailleurs qu’en pédiatrie hospitalière.

Deux leviers financiers

En néonatalogie, autre secteur en souffrance, l’engagement est pris d’atteindre 1 lit pour 1 000 naissances, sur tout le territoire. L’effort devrait principalement porter sur cinq régions, loin d’atteindre ce ratio, soit l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne-Franche-Comté, l’Occitanie, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Corse.

Sur le plan financier, deux leviers sont mis en avant pour soutenir l’activité en pédiatrie : à l’hôpital, le tarif des séjours a été rehaussé de 5,8 % en 2024, tandis que les négociations conventionnelles avec les médecins libéraux, qui touchent à leur terme, doivent acter d’une revalorisation des prises en charge des enfants. Alors que les alertes concernant la santé mentale des jeunes s’accumulent, « le principe de l’augmentation des psychologues est désormais arrêté, assure M. Valletoux. Le montant sera décidé dans les mois qui viennent ».

Pour faire face aux difficultés de l’hiver 2022-2023, son prédécesseur, François Braun avait accordé une « rallonge » de 400 millions d’euros pour l’hôpital. L’enveloppe consacrée à cette panoplie de mesures dévoilées pour ces assises atteindrait 300 millions d’euros annuels, chiffrait-on, mercredi, dans l’entourage de M. Valletoux. Le ministère de la santé est cependant revenu sur ce chiffrage initialement annoncé au Monde, en expliquant jeudi soir 23 mai qu’il sera « précisé dans les prochaines semaines ».

Au-delà des questions de santé, dans le périmètre de Sarah El Haïry, ministre déléguée de l’enfance, de la jeunesse et des familles, plusieurs annonces s’inscrivent dans le sillage de la stratégie des « mille premiers jours de l’enfant » (du quatrième mois de grossesse au deuxième anniversaire), du renforcement de la prévention au déploiement de « maisons des mille jours » sur tout le territoire.

Les centres de protection maternelle et infantile, acteurs territoriaux-clés de prévention médicale et sociale, sont concernés, avec la promesse de doubler leurs moyens dans le cadre d’une contractualisation entre l’Etat et les départements, à hauteur de 40 millions d’euros par an à horizon 2027, précise le cabinet de Mme El Haïry. Il est question, aussi, de « renforcer l’information pour prévenir le post-partum ». Il y a urgence ; selon une étude publiée début avril de l’Inserm et Santé publique France, la dépression post-partum touche une jeune mère sur cinq et le suicide est même devenu la première cause de mortalité chez ces dernières.


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