Publié le 07 mai 2024
Dans un essai impartial, le psychanalyste et historien israélien détaille les rapports de Freud avec le sionisme et retrace la réception de la psychanalyse dans la Palestine mandataire puis dans l’Etat hébreu.
« Freud en Israël », de Guido Liebermann, Imago, 350 p.
Issu de parents juifs argentins, l’un émigré d’Allemagne, l’autre d’Ukraine, Guido Liebermann prit, lui aussi, le chemin de l’exil en 1979. Il quitta Buenos Aires pour Israël afin d’échapper à la dictature du général Videla. C’est en France qu’il se forma à la psychanalyse et à son histoire avant de s’installer définitivement près de Tel-Aviv. Polyglotte, il a dépouillé depuis des années un nombre considérable d’archives sur l’épopée des fondateurs du mouvement freudien en terre d’Israël.
Dans Freud en Israël, son troisième livre, il étudie la réception de l’œuvre de Sigmund Freud (1856-1939) en Israël ainsi que la relation de celui-ci avec sa judéité. Aux yeux de Freud, qui n’est pas sioniste, aucun territoire ne peut préserver les juifs de l’antisémitisme, raison pour laquelle il revendique son identité de juif de la Diaspora, à laquelle il doit, dit-il, sa capacité de résistance à tous les préjugés.
En 1897, Freud adhère à la loge internationale du B’nai Brith, organisation juive humanitaire. Vingt ans plus tard, il soutient la déclaration de Lord Balfour en faveur de la création d’un foyer national juif en Palestine. Enfin, en 1924, il accepte, avec Einstein et Bergson, de devenir membre du conseil d’administration de l’Université hébraïque de Jérusalem. Cependant, en 1930, il s’oppose à l’idée de la fondation d’un Etat juif, convaincu qu’elle conduirait à une guerre perpétuelle, nationaliste et religieuse, autour de la possession des Lieux saints.
Liebermann montre que Freud fut l’un des penseurs les plus discutés en Palestine durant l’entre-deux-guerres, puis en Israël après la Shoah. Adulé par les pédagogues progressistes, qui voyaient en lui l’initiateur d’une révolution des consciences, admiré par le président de l’Organisation sioniste mondiale, Chaim Weizmann, il ne cessa pas, en revanche, d’être critiqué par les marxistes, qui le jugeaient conservateur, et haï par les partisans de Zeev Jabotinsky, fondateur du parti de la droite nationaliste, lesquels voulaient en finir avec l’idée d’une exceptionnalité des juifs de la Diaspora au point, parfois, de les traiter d’« assimilationnistes malades ».
Face aux antisémites
Quant à l’historien Gershom Scholem, il reprochait à Freud de ne rien comprendre à Moïse et à la mystique juive, tandis que le philosophe Martin Buber lui préféra toujours le psychologue Kurt Lewin, jugé plus scientifique. Parmi les débats les plus savoureux exhumés par Liebermann, on trouvera l’échange au long cours qui opposa Freud le mécréant à Max Grunwald, rabbin attaché à la nécessité pour l’homme juif d’une expérience religieuse.
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