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mardi 28 mai 2024

Euthanasie : un danger pour les pauvres ?

Aurélie Haroche


Paris - Cette semaine une commission spécialement constituée de l’Assemblée nationale a débuté l’examen du texte sur la fin de vie, qui, s’il était adopté, conduirait à la mise en place dans notre pays d’une « aide à mourir », principalement via le suicide assisté, mais aussi à travers une « exception d’euthanasie ». Les discussions ont porté sur de multiples sujets et notamment la notion de pronostic à « moyen terme » qui a suscité des interrogations chez de nombreux professionnels de santé (favorables ou non à une nouvelle législation), en raison de la complexité d’établir un tel pronostic. Cependant, les débats tant au Palais Bourbon que dans la société ont également vu se développer un discours concernant le risque que la pauvreté ne fasse le lit de l’euthanasie et du suicide assisté et qu’un désir (plus ou moins assumé) d’économies (de la société ou de la famille) ne soit également en jeu dans l’adoption de cette évolution législative.

Des choix insidieux ? 

Ces craintes latentes (sincères ou pas) sont loin de ne concerner que la France. Dans les autres pays ayant engagé une réflexion sur l’aide à mourir, l’impossibilité de garantir que l’exclusion sociale et les difficultés économiques ne deviennent des « facteurs » conduisant (entre autres) à demander une euthanasie a régulièrement été évoquée de façon plus ou moins subtile. De la même manière, il a souvent été redouté que ces législations, au-delà de la volonté de répondre à une aspiration qui semble soutenue par une large majorité des populations (selon les sondages sur des bien portants) soient également encouragées pour des soucis économiques beaucoup moins avouables. En France, les contributions sur ces thèmes ont été nombreuses. Cette semaine par exemple, le Dr Arnaud Chiche, anesthésiste-réanimateur à Hénin-Beaumont, créateur en 2020 du Collectif Santé en Danger a publié sur X un message sans nuance sur la question : "Les dépenses de santé lors de la dernière année de vie d’un patient en France s’élèvent à 28000 euros en moyenne. On a compris quels choix sont faits pour la collectivité, merci". On retrouve, de façon un peu plus nuancée, en excluant le procès d’intention, une réflexion semblable chez le haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé dans une interview accordée au Figaro. Interrogé sur le positionnement favorable du monde mutualiste au texte de loi, il relève : « Le mouvement mutualiste est attaché à la maîtrise de la vie humaine, y compris de son terme. Je refuse donc de lui faire un procès d’intention sur d’éventuelles motivations économiques. Mais il est clair que la mort administrée va engendrer des économies non négligeables ». Le haut fonctionnaire ajoute parallèlement : « L’autre tabou de ce débat, c’est le risque que la mort administrée s’applique en priorité aux plus pauvres et aux plus démunis. En Oregon, l’expérience a montré qu’avec le temps, les personnes à faibles revenus étaient surreprésentées parmi les candidats au suicide assisté et que les problèmes financiers occupaient une place croissante dans leur motivation. Une étude canadienne montre un écart de près de 20 points entre la proportion des personnes à faibles revenus et celle des candidats à l’euthanasie ». 

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