par Clémence Mary publié le 23 mai 2024
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Il était une fois, bien au-delà du pays de Disney et de celui d’Hélène et les garçons, un royaume perdu et vétuste où régnaient sans partage non pas un, mais des princes charmants : celui du roman-photo. Particulièrement en vogue des années 70 à 90, ces feuilletons populaires remplis d’amantes alanguies et de gentlemen lover ont contribué à inoculer, par leur diffusion massive, un poison qui porte un nom, le «sexisme». On les a toutes lus en cachette, adorant les mépriser, au point de les penser aujourd’hui voués à un seul avenir, la poubelle. Car pendant longtemps, rien d’autre ne les a définis que la mièvrerie et le cliché. Rien d’autre ?
L’erreur est désormais réparée par Ovidie et Sophie-Marie Larrouy, qui retournent joyeusement le stigmate dans la Fabrique du prince charmant. Plus grande arnaque depuis l’invention du jacuzzi (Seuil), fantaisie parodique qui nous réconcilie avec le genre. Pour «remettre l’église au milieu du village», confient les deux artistes et écrivaines, connues pour leurs positions féministes, quoi de plus jouissif et ludique que de montrer ces ex-roitelets totalement déboussolés par la fin de leurs privilèges et la prise de pouvoir de leurs soupirantes aux franges brushées ?
Tout est passé au crible du sarcasme et de l’argot décomplexé
On y suit donc le récit filandreux des émois de Jean-Michel Déconstruit et de ses amis mascu, fil rouge entrecoupé de sketchs tout aussi incisifs. Vestes Barbour, regard de braise et mèche au vent, Bernard, Vivien et les autres affichent leurs poses de gendre idéal mal dégrossi, en traînant leur désarroi («je comprends pas pourquoi j’ai pas de meuf» ; «elles ont trop besoin de nous. Qui c’est qui va aller à la guerre, sinon ?»), leurs agacements («ma meuf est casse-couilles, elle a dû écouter des podcasts de bonne femme»), et leurs faiblesses («mon amour, ce sont des choses qui te dépassent. Mon père sous le coup de la colère a nié mon talent pour le ballon rond»).
Charge mentale, PMA, indépendance financière, non-mixité et SIF, tout est passé au crible du sarcasme et de l’argot décomplexé d’Ovidie et de Sophie-Marie Larrouy, évoquant l’ironie d’un Fabcaro. Pas difficile d’imaginer les deux autrices «souffler du nez» (comprendre : rire), Typex à la main, en train de biffer l’intégralité des dialogues originaux – dont certains étaient tellement caricaturaux que toute retouche était presque inutile. Longue vie au nouveau roman-photo.
La Fabrique du prince charmant. Plus grande arnaque depuis l’invention du jacuzzi, par Ovidie et Sophie-Marie Larrouy, édition Seuil
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