Par Abel Mestre
C’est un appel au secours. L’Observatoire international des prisons - section française (OIP) connaît de sérieuses difficultés financières et lance un large appel aux dons pour pouvoir « se donner un peu d’oxygène », selon les termes de son directeur, Jean-Claude Mas. L’objectif est le même que lors de la précédente crise, en 2019 : réunir au moins 200 000 euros.
Les principales missions de l’OIP sont la défense des droits des personnes détenues, la réponse aux sollicitations des personnes incarcérées ou de leur famille et les enquêtes sur les conditions de détention. L’OIP est ainsi à l’origine de plusieurs décisions de justice, aussi bien en France que devant la Cour européenne des droits de l’homme, condamnant les conditions indignes de détention. L’Observatoire international des prisons réalise par ailleurs Dedans Dehors, un trimestriel de 48 pages en papier glacé et quadrichromie, ainsi que le Guide du prisonnier, somme de près de 1 000 pages coédité avec La Découverte, outil pédagogique et juridique précieux pour les personnes détenues et leurs proches.
L’heure est grave : l’Observatoire international des prisons – dont le budget moyen est environ de 771 000 euros par an – a perdu 67 % de ses subventions publiques en une décennie. En 2014, leur montant cumulé était de 424 211 euros. Il est de 135 107 euros aujourd’hui. « Les aides de l’Etat et des collectivités territoriales, qui représentaient en 2014 plus de la moitié de nos ressources, en représentent aujourd’hui moins de 20 % », confirme M. Mas. Pour être totalement indépendant du ministère de la justice, qui est notamment chargé de l’administration pénitentiaire, l’OIP refuse ses financements. Il doit donc trouver des financements privés, mais cela ne suffit pas.
Travail reconnu
La bascule a commencé dès 2015, avec le passage à droite de nombreux conseils régionaux, puis le retrait de plusieurs autres acteurs institutionnels, comme le Commissariat général à l’égalité des territoires ou l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (devenus respectivement l’Agence nationale de la cohésion des territoires et Santé publique France). Le dernier coup dur a été l’arrêt des subventions par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui versait 30 000 euros par an.
La disparition de l’OIP, qui a un peu moins de trente ans d’existence, créerait un vide pour le milieu associatif intervenant en prison. L’association – qui emploie onze salariés – est, aujourd’hui, l’un des acteurs majeurs de défense des droits des détenus. Chaque année, elle reçoit 4 500 sollicitations de personnes détenues et de leurs proches et publie un rapport d’enquête par an (le dernier, sur la discipline en prison, est paru en février). L’OIP compte donc sur un élan de solidarité pour passer cette énième épreuve. Il ne part pas de rien : son travail est reconnu par les professionnels du monde judiciaire et par de nombreux observateurs. Il bénéficie aussi du soutien de plusieurs personnalités, comme les comédiens Ariane Ascaride, François Morel et Bruno Solo, ou encore les écrivains Annie Ernaux, Laurent Binet, Eric Vuillard et Nancy Houston.
L’expertise de l’Observatoire international des prisons est d’autant plus précieuse que le débat sur la surpopulation carcérale bat son plein. Avec 76 258 personnes incarcérées pour 61 737 places au 1er février, la densité en prison atteint 123,5 %, soit un plus haut niveau historique. Dans certains établissements, le taux de remplissage dépasse même les 200 %. Face à cette situation, de plus en plus de voix (Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, mais aussi de nombreux élus de gauche et quelques-uns de la majorité présidentielle, les acteurs associatifs) réclament la mise en place de règles d’urgence, comme la régulation carcérale, afin de desserrer l’étau et faire de la place. Pour l’instant, Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, a évacué cette solution, préférant axer sa réponse politique autour de la construction de nouvelles places de prison et la mise en avant de peines alternatives à l’incarcération.
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