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dimanche 17 septembre 2023

Critique «Un métier sérieux», de Thomas Lilti : le sens des devoirs

 




par Camille Nevers   publié le 17 septembre 2023

Le réalisateur signe un film choral, avec Vincent Lacoste, François Cluzet et Adèle Exarchopoulos, sur le corps enseignant d’un collège, qui ne décolle vraiment que grâce aux élèves. 

Le cinéma n’est pas un fonctionnariat, mais peut se vivre comme magistère. Avec la salle de tribunal et la salle de commissariat, il a une prédilection pour la salle de classe. L’école − ses personnages de maîtres dévoués, de professeurs vannés − est, avec la police, la justice et l’hôpital, l’institution la plus décortiquée du cinéma hexagonal. Hollywood y adjoint l’armée, la politique, et la religion (moins). Rien de sorcier, ce sont les lieux de société fondamentaux, règles et normes, lois, droits : la démocratie en actes. Le monde modèle réduit d’une salle de profs, d’une estrade ou d’un réfectoire. C’est aussi le sujet de fiction où l’adage selon lequel les bons sentiments ne font pas les meilleurs films se vérifie le mieux.

Un métier sérieux est une façon pour Thomas Lilti, après trois films et une série (Hippocrate) traitant de son premier métier, médecin, de s’ouvrir à un univers nouveau – mais pas trop. L’idée générale reste le portrait de groupe, plus encore, le portrait de «corps» (de métier). Une rentrée des classes, un groupe de professeurs chevronnés et une nouvelle recrue en déjà-vu : Vincent Lacoste. Ça commence sur le ton de la comédie fraternelle, mais ça ne dure pas : Un métier sérieux est un film sérieux. Il conte avec une sorte de talent unanimiste une année scolaire en forme de chronique aléatoire. Chaque prof est un spécimen dont on prélève les échantillons de vie, les joies et les peines dans – et hors – les murs du collège. L’agenda du récit est traité à la façon du Reader’s Digest.Ça, on prend, ça on laisse. Le vu, c’est le vécu. Le récit c’est le (bien) documenté, et le style, le «rendu». Voilà la légitimité sincère de ce long métrage, sa voie moyenne. La vérité et la réalité dont est capable le cinéma avec ses moyens propres, non pédagogues, sans manuel, c’est autre chose.

Adèle Exarchopoulos s’exclame, vénère, à un moment : «C’est une lutte des classements entre établissements !» Pas de lutte de classes ici, mais des classements. C’est ce qui manque au film : des personnages d’élèves en face, évalués et pas égaux. Une altérité de «classe» qui sorte un peu du petit groupe des profs. Dès qu’un élève se pointe et entre dans le champ, Un métier sérieux monte en force. La partie vraiment réussie met donc en scène Enzo, personnage d’élève difficile dont l’avenir au collège est bientôt compromis. Le jeune acteur, Bilel Souidi, est phénoménal (ses parents aussi) et Lilti cesse enfin de survoler ses menus «moments de vie» pour suivre une ligne, une figure, un tempérament, un vrai drame. Avec Enzo, et, dans une moindre mesure, la gifle de Sandrine, la prof de physique (Louise Bourgoin), soudain on quitte le tâtonnement du rendu vériste et la chronique qui ne finit pas ses blagues (on ne saura jamais ce qu’a dit Francis Cabrel à Pierre en panne) pour toucher à l’émotion plus drue de tension accumulée. L’impression finale – Lilti aurait-il pris ce pli sans fer à repasser ? – est qu’Un métier sérieux est conçu tel un pilote pour une future série, avec son arène, son arc principal et ses intrigues secondaires, son aréopage de persos à décliner en saisons télé et années scolaires successives.

Un métier sérieux de Thomas Lilti. Avec Vincent Lacoste, Adèle Exarchopoulos, François Cluzet… (1h41).

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