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mardi 25 octobre 2022

Le sexe peut-il sauver notre rentrée ?

Publié le 11 septembre 2022

Face à l’afflux de nouvelles plus accablantes les unes que les autres, l’intimité sexuelle peut avoir des vertus consolatrices. A condition d’accorder toute l’attention qu’il mérite au plaisir érotique, souligne Maïa Mazaurette, la chroniqueuse de « La Matinale ».

LE SEXE SELON MAÏA

Fin de l’abondance, fin de la bamboche : on n’est pas bien, en 2022 ? A la fraîche (entre deux canicules), décontractés de l’effondrement (vous prendrez bien un apéro entre deux nouvelles accablantes) ? Bon, regardons la réalité en face : cette rentrée est complètement pourrie. Alors très bien, cherchons des solutions à portée de main : la sexualité pourrait-elle nous réconforter ?

A première vue, on pourrait se dire que oui : le cocktail hormonal apporté par le plaisir et la connexion à l’autre fait (généralement) office d’antidépresseur naturel. Un bon orgasme, un nouvel amant, ou même un gros câlin, tout ça peut nous tenir émotionnellement. Faudrait-il donc aller au lit comme on va chez le psy, utiliser le Kama-sutra comme un psychotrope, et tant qu’à faire, réclamer à la sécurité sociale le remboursement de nos sextoys ? Ce n’est pas si simple.

Pour commencer, il faut poser la question dans le bon sens, c’est-à-dire… dans tous les sens. La sexualité peut nous remonter le moral, mais un moral en berne peut démolir notre sexualité – à commencer par notre libido. Il ne suffit pas de se jeter sur notre partenaire (ou sur notre sextoy) pour aller mieux : ce serait une forme d’instrumentalisation, qui réduirait notre vie érotique à de la médicalisation. Et puis franchement, vous vous doutez bien que s’il suffisait de toucher un clitoris ou un pénis pour oublier tous vos problèmes, vous seriez au courant.

Motivations

Par ailleurs, si les vertus consolatrices du sexe étaient une évidence, on le constaterait dans les enquêtes statistiques. Ça tombe bien, on a des chiffres là-dessus : l’université du Texas s’est penchée en détail sur les raisons pour lesquelles les gens font l’amour. Leur panel de participants a rapporté 237 motivations différentes… parmi lesquelles on trouve, effectivement, le signe d’une utilisation thérapeutique des galipettes – mais à prendre avec des pincettes.

La réponse « Je pensais que le sexe me détendrait » arrive ainsi en 32e position de nos objectifs sexuels, suivie par « J’avais besoin de me libérer de mes tensions » en 40e position, « Je voulais me débarrasser de mon stress et/ou de mon anxiété » en 42e position, et « J’étais frustré et j’avais besoin de soulagement » en 46e position. Conclusion : oui, nous pouvons utiliser les rapports sexuels pour assurer notre équilibre mental, mais clairement, cette motivation reste accessoire. Par ailleurs, cette étude du Texas date de 2007 : autre époque, autre monde. La même enquête, réalisée en 2022, révélerait sans doute des anxiétés plus contemporaines (avec des réponses comme « Il n’y avait plus de chauffage » ou « Le sexe n’est pas soumis à l’inflation »).

Par ailleurs, depuis 2007, d’énormes changements ont eu lieu dans notre panorama sexuel, dont la plupart vont dans le sens opposé de la consolation. Ainsi, le mouvement #metoo a créé une tension femmes-hommes qui n’a absolument pas fini de s’exprimer. La rentrée littéraire démontre d’ailleurs que l’abcès n’est pas crevé : entre le titre du nouveau Virginie Despentes (Cher Connard, éditions Grasset) et le programme du roman d’Emmanuelle Richard (Hommes, éditions de l’Olivier), on avance en terrain miné.

Crispations

Cependant, on aurait tort de mettre toutes nos crispations sur le dos du mouvement #metoo. La crise du Covid-19 et, plus récemment, l’épidémie de variole du singe ont associé la sexualité à la prise de risque. Si la consolation devait passer par une forme d’insouciance, clairement, c’est râpé.

Faut-il donc se résoudre à renoncer au soulagement par le sexe ? Je ne crois pas. Nous disposons de la même capacité au plaisir qu’avant l’enchaînement de mauvaises nouvelles de la rentrée : nous pouvons toujours faire des rencontres, nous pouvons toujours tomber amoureux, nous disposons toujours de l’intégralité de nos terminaisons nerveuses… et objectivement, si des coupes de gaz et d’électricité devaient survenir ces prochains mois, il y a fort à parier que notre fréquence sexuelle remonterait à toute allure (quoique à mon avis, le plus efficace serait de nous couper le Wi-Fi).

Les paramètres nous permettant d’accéder à une consolation sexuelle sont essentiellement, et encore aujourd’hui, entre nos mains. Vous n’avez aucune libido ? D’accord, mais peut-être pourriez-vous apprécier un peu de tendresse, ou de simples caresses. Vous avez peur de la variole du singe ? Ça se comprend, mais en attendant de vous faire vacciner, vous pouvez toujours tester l’amour en ligne. Vous trouvez que les femmes ne sont plus des femmes et que le patriarcat, c’était mieux avant ? Encore aujourd’hui, vous trouverez quantité de femmes qui adhèrent à des valeurs allant contre leurs intérêts.

A mon avis, le meilleur moyen de ne pas voir notre sexualité individuelle « contaminée » par la déprime collective, c’est le changement d’échelle. Je ne dis pas que c’est facile. En ayant un rapport de « consommation » à l’actualité, il est naturel de perdre de vue nos trajectoires individuelles face aux grands mouvements historiques et sociaux. La sexualité, pourtant, ne se noie pas dans le collectif. Elle fait même preuve d’une remarquable capacité à résister au collectif.

Votre plaisir mérite toute votre attention

Si vous pensez que le plaisir érotique peut vous consoler, ou même vous donner des forces, la première chose à faire consiste à lui accorder plus de place – en commençant par déconnecter des nouvelles anxiogènes et par fermer la porte (ça ne fera pas de vous des mauvais citoyens, et puis ne vous inquiétez pas : la crise sera toujours là quand vous aurez terminé de faire l’amour).

J’ai donné ce conseil plusieurs fois, je le répète à nouveau : commencez par vous ennuyer (ce qui suppose de laisser momentanément tomber le porno, lui-même souvent anxiogène). Notre cerveau n’est pas conçu pour sauter d’une activité à une autre, surtout quand il s’agit d’une activité aussi impliquante que la sexualité. Votre plaisir mérite toute votre attention. Votre partenaire aussi (si vous en avez un). Recentrez-vous sur votre intimité et sur vos sensations les plus immédiates, sans rien forcer.

Si rien ne vient (ce sont des choses qui arrivent) : avez-vous des fantasmes ? Un coup de cœur pour un collègue de boulot ? Un souvenir sexuel qui vous excite toujours ? Un roman dont la scène d’amour vous titille à tous les coups ? Plongez-vous dans cet imaginaire : le réel se manifestera bien assez tôt. Dans le monde du rêve tout est possible, et mieux encore, tout est sécurisé.

Enfin, mon tout dernier conseil : pendant vos rapports sexuels, faites la paix avec un certain égoïsme. Certains chercheurs estiment que l’orgasme fait office de « reset » de notre cerveau : si on déconnecte un instant, c’est pour mieux se reconnecter ensuite, pour mieux se replonger dans le chaos du quotidien. Vous n’avez pas grand-chose à perdre : si le sexe ne vous fait pas du bien, au moins, il fait rarement du mal… et c’est déjà un luxe.


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