par Violette Vauloup publié le 18 juin 2022
Sur le bitume brûlant des villes, les sans-abri suffoquent plus que les autres. Alors que la température dépasse les 40 degrés par endroits ce samedi, les personnes à la rue peinent à trouver un peu d’air frais. Sans toit pour se protéger ni robinet à proximité, elles sont particulièrement exposées à la plume de chaleur qui touche la France cette semaine et font partie des premières victimes du dérèglement climatique dans le pays. Thierry Couvert-Leroy, en charge de la lutte contre les exclusions pour la Croix-Rouge, rappelle que pour celles et ceux qui n’ont pas de toit, l’été est aussi compliqué que l’hiver.
Cette canicule est-elle particulièrement dangereuse pour les personnes sans-abri ?
Au-delà de l’hiver ou de l’été, l’une des principales difficultés d’être à la rue, c’est que l’on est beaucoup plus vulnérable aux conditions climatiques intenses. La canicule est aussi compliquée que le grand froid. Finalement, le problème, c’est la rue. Et plus les conditions météorologiques sont insupportables, plus ça a des conséquences sur les corps. S’il fait très froid, il y a un risque d’hypothermie, et s’il fait très chaud, c’est la déshydratation qui guette. Dans les grandes villes, l’hiver, les personnes à la rue peuvent se réchauffer dans le métro, mais ça n’est pas forcément un lieu qui devient plus agréable en période de grandes chaleurs. Dans une certaine mesure, on peut dire que c’est plus facile de se réchauffer que de se rafraîchir.
Quels facteurs aggravent l’effet de la chaleur quand on est à la rue ?
Généralement les lieux où se posent les personnes sans-abri sont des lieux très minéraux, des endroits sur lesquels il ne faut surtout pas se sédentariser en période de grande chaleur. Mais en ville, l’accès à l’eau et à des zones ombragées est difficile, surtout en pleine canicule. Et puis la rue est avant tout un milieu hostile. Il y a toujours cette crainte de se faire voler, alors certaines personnes gardent tous leurs vêtements sur elles, ce qui aggrave les effets de la chaleur. Ça ramène à des questions d’hygiène, à l’importance de prendre une douche et de se rafraîchir un peu.
Justement, la chaleur peut-elle aggraver des problèmes de santé ?
La chaleur peut aggraver des maladies de peau ou des infections, mais les principales craintes sont surtout liées à la déshydratation. Un certain nombre de personnes sans-abri font face à des problèmes d’addiction, or quand on parle d’hydratation, ce n’est pas avec le vin rouge ou la bière. Au contraire, l’alcool va plutôt accroître les effets de la déshydratation. Sur ce point-là, nos équipes de maraude doivent être particulièrement vigilantes, car beaucoup de personnes qui sont encore plus en danger dans des épisodes météorologiques comme celui-ci ne demande pas d’aide.
Comment les actions des associations s’adaptent-elles en période de forte chaleur ?
C’est important de maintenir et d’intensifier les maraudes quand il fait très chaud, pouvoir proposer des lieux d’accueil de jour où on sait qu’il y a un espace rafraîchi ou un accès à l’eau. Mais l’objectif de ces maraudes, c’est avant tout d’établir un lien avec les personnes. Collectivement, nous parlons tous de cette chaleur car on la vit. Et parler, c’est créateur de lien social. Alors dans un sens, la canicule nous donne un prétexte pour aborder les personnes plus naturellement, parce qu’on fait un lien direct avec ce qu’elles vivent. On en profite pour diffuser des messages de prévention, les mêmes que ceux que l’on partage dans les maisons de retraite. Mais on adapte l’information, on ne peut pas simplement leur dire de prendre une douche pour se rafraîchir, il faut les orienter vers les douches par exemple.
Comment aider les personnes dans la rue pendant les périodes de canicule ?
Il n’y a pas de saison plus propice qu’une autre pour aider les gens, mais si on remarque une personne qui ne se sent pas bien, qui a du mal à tenir debout par exemple, il ne faut pas hésiter à appeler les secours. Et quand les gens vous interpellent en faisant la manche, ce n’est pas compliqué de leur demander s’ils ont suffisamment d’eau, si tout va bien. Ça ramène les personnes sans-abri à un niveau acceptable de dignité. En fait, il faut simplement agir comme on le ferait avec notre grand-mère ou notre voisin.
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