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mercredi 15 juin 2022

Chronique «Aux petits soins» Infirmières: une profession toujours attrayante, des conditions de travail décevantes

par Eric Favereau  publié le 14 juin 2022

Dans une vaste étude menée sur plus de 40 000 professionnels apparait une situation paradoxale: l’attirance pour les métiers du soin ne faiblit pas, mais la pratique déçoit de plus en plus. 

Les infirmières aiment leur métier, elles en sont même fières, pour plus de 80% d’entre elles ; mais elles n’aiment pas leurs conditions de travail ni leur environnement. Un constat qui rejoint celui des médecins, comme l’avait montré une vaste étude du conseil de l’ordre des médecins en 2021. Et c’est d’ailleurs le paradoxe de la crise de notre système de santé : écoles d’infirmières comme facultés de médecine sont toutes remplies, voire plébiscitées, mais pour autant, les hôpitaux connaissent une fuite de médecins et d’infirmières. Cherchez l’erreur…

Publiée le 1er juin et menée par le biais d’un questionnaire sur Internet, cette étude de l’ordre national des infirmiers a rassemblé plus de 40 000 témoignages. Et l’on retrouve donc, partout, ce décalage entre le plaisir et l’intérêt de ce métier (très féminisé, qui compte 80% de femmes) et la réalité de la pratique. «Si huit infirmiers sur dix se disent fiers d’exercer leur métier (82%), près des deux tiers regrettent que leurs compétences et leur rôle auprès des patients ne soient pas reconnus dans leur territoire», note en préalable l’étude. Là comme ailleurs, c’est un diagnostic plutôt sombre qui prévaut.

Environnement qui dysfonctionne

93% des infirmières se déclarent «inquiètes par rapport à la situation en matière de soins». 96% estiment que «les délais d’attente pour obtenir des rendez-vous avec les professionnels de santé sont trop longs». 75% jugent que «l’accès aux services d’urgence est difficile». Et enfin, 68% considèrent qu’il n’existe «pas d’égalité d’accès aux soins sur leur territoire d’exercice». Bref, un environnement qui dysfonctionne. Et ces préoccupations sont, de fait, partagées par leurs patients. Interrogées ainsi sur les principaux motifs de préoccupation de leurs patients, les infirmières citent, en premier, «la difficulté d’accès à un établissement de soins et aux professionnels de santé», loin devant le manque d’explications sur les parcours de soins ou encore la crainte de la dépendance pour soi-même ou pour ses proches.

Dans ce contexte, les infirmières sont demandeuses d’une place plus importante dans le système de santé. 97% pensent qu’ils «sont des acteurs essentiels du maintien à domicile». 74% estiment que «la démarche “d’aller vers” les patients les plus âgés ou isolés répond aux enjeux de santé de leur territoire». Mais voilà, les professionnelles ne peuvent pas le faire, et se plaignent donc fortement de la façon de travailler. Ainsi, 88% des infirmières estiment que «les conditions d’exercice sont devenues plus difficiles que par le passé». 71% jugent qu’elles ne peuvent pas consacrer suffisamment de temps à chacun de leur patient. 68% se déclarent «insatisfaites de la coopération entre les professionnels de santé sur leur territoire d’exercice». Et 61% ne sont pas satisfaites de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

Envie de changement

Dans cette ambiance de déceptions chroniques, les infirmières et infirmiers ne manquent pas d’idées pour que cela bouge. 80% jugent «prioritaire l’application de ratios infirmiers par patient, de jour comme de nuit, en établissements ainsi qu’une meilleure prise en compte de la parole et du vécu des usagers dans leurs parcours de soins». Une infirmière sur deux considère qu’il faut orienter l’exercice du métier vers «une plus forte responsabilité populationnelle», c’est-à-dire d’intégrer la notion de santé publique, et «redéfinir le rôle et la place des agences régionales de santé». Elles et ils souhaitent également être davantage associés aux politiques de santé publique, «en lien avec leur territoire d’exercice».

Et dans la pratique, 92% se disent, par exemple, «favorables au développement des compétences infirmières en matière de lutte contre les addictions». Très majoritairement, les professionnels demandent aussi «un accès direct des patients aux infirmières en ville et en établissement» et l’autorisation de «la prescription des actes simples». En tout cas, pour elles et pour eux, l’urgence est là.«Dans leur territoire, six infirmières sur dix pensent qu’en matière de santé, les constats sont connus, et il faut prendre les mesures rapidement et engager les réformes prioritaires dans les six mois à venir.» Au final, au-delà du constat de méfiance vis-à-vis des autorités de tutelle, le monde infirmier fait preuve d’une forte envie de changement. Ce qui est tout sauf une mauvaise nouvelle.


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